La Fin du monde – d’Abel Gance – 1931
Abel Gance y va un peu fort, pour son premier grand film parlant. Forcément, après son Napoléon, le choc est rude. Mais malgré toutes les qualités qu’on peut lui reconnaître (j’y viens), La Fin du monde est un film plombé par un message biblique lourdement appuyé (ça c’est pour le fond), et par une méconnaissance totale de l’usage du son (ça c’est pour la forme).
Le fond, donc. L’intention est bonne : une comète menace de détruire la terre entière, et imminence du néant va gommer toutes les rancœurs et toutes les tensions mondiales. Mais pourquoi avoir accompagner ça d’un préchi-précha religieux indigeste. D’autant plus indigeste qu’elle est renforcée, au moins dans la première partie, par la prestation outrancière insupportable d’Abel Gance lui-même en martyr autoproclamé, qui pour le spectateur semble surtout avoir pêté les plombs après joué le calvaire de Jésus sur scène…
Quant à la forme… l’ambition manifeste de Gance se heurte à la grande nouveauté du son. Il faudrait tenter une expérience : revoir le film en coupant le son. L’outrance du jeu des acteurs et la propension du réalisateur à souligner longuement chaque émotion paraîtraient sans doute plus authentiques. Pas le courage de tester… Mais le fait est que Gance reste un réalisateur du muet, qui se coltine le son sans trop savoir quoi en faire. En tout cas en n’en faisant pas grand-chose de convainquant.
Finalement, c’est lorsqu’il est le plus modeste que Gance s’épanouit le plus. Lors de la séquence pleine de suspense sur la Tour Eiffel en particulier, où le côté Tintin de l’intrigue (on pense quand même beaucoup à L’Etoile mystérieuse au début) prend toute sa dimension, avec de superbes plans de la structure.
La fin, quand même, succession de plans apocalyptiques assez hypnotiques, tend à rattraper les errances du film, et laisse planer le doute. Le film est-il réellement raté ? Où le sentiment d’inabouti (pour le moins) vient-il du fait que c’est une version mutilée qui a survécu : le film de Gance durait semble-t-il trois heures avant que les producteurs n’en coupent la moitié. Forcément, ça change des choses. Mais sans doute pas tout : rallongée, la prestation de Gance-acteur aurait sans doute été encore plus insupportable…
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