Les Ruelles du malheur (Knock on Any Door) – de Nicholas Ray – 1949
« Vivre vite, mourir jeune et laisser un beau cadavre. » Une phrase entendue cent fois, et qu’on attribuerait volontiers à James Dean. Pourtant, ce n’est pas dans La Fureur de vivre, mais dans un film que Ray a tourné six ans plus tôt qu’on peut l’entendre, dans la bouche du tout jeune John Derek.
Beau gosse aux allures de gendre idéal, Derek n’est pas un acteur renversant. Mais il a eu la chance d’inspirer quelques grands cinéastes. C’est le cas ici, où son physique lisse et finalement assez peu expressif fait des merveilles. Qui est ce gamin sans grande personnalité, victime d’une naissance défavorable et d’un environnement difficile ? C’est toute la question que se posent les jurés dans ce film-enquête construit autour d’un procès pour meurtre.
Une construction plutôt efficace, qui associe habilement les codes du film de procès et ceux du film social. Humphrey Bogart jouant l’avocat qui défend Derek, en même temps que le principal témoin de sa vie et de sa déchéance, on comprend que la partie procès ait pris une importance peut-être plus grande qu’elle n’aurait dû. La dernière partie, d’ailleurs, se concentre uniquement sur la salle d’audience. Et le film perd un peu de sa force.
On a quand même droit à un beau plaidoyer de Bogart sur l’inégalité des hommes et l’injustice, plaidoyer qui résonne encore parfaitement aujourd’hui. Et il y a quelques détails formidables dans cette salle d’audience : la sueur sur le fauteuil du juge, les doutes qui s’instillent inexorablement sur les visages…
Mais c’est dans les flash-backs que le film est le plus réussi, parce que Ray y livre une vision hors du commun de la pauvreté et des rues mal fâmées, loin de tous les stéréotypes hollywoodiens. Ces ruelles sentent la crasse et l’inconfort, et sont peuplées d’êtres sans illusions, à l’image de ce vieux paumé sans âge qui se fait appeler « junior », surnom qui évoque immédiatement des rêves envolés et une jeunesse perdue.
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