En marge de l’enquête (Dead Reckoning) – de John Cromwell – 1947
A peu près zéro prise de risque cette fois, pour un Bogart qui recycle son image de justicier inflexible, avec laquelle il enchaînait les films immenses à cette époque. Son personnage n’est pas inintéressant, vétéran de la guerre qui cherche à venger la mort de son ami, et qui avance constamment dans le flou, sans jamais avoir le moindre pas d’avance sur le spectateur. Un parti-pris qui, pour le coup, le rend humain et vulnérable, ce dont on ne se plaindra pas.
Mais quand même, il y a une impression tenace de déjà-vu dans ce film noir qui se contente en grande partie de pomper les déjà grands classiques du genre. Il y a du Grand Sommeil dans la manière de complexifier l’intrigue et de s’interroger sur le rôle que joue la femme, forcément fatale (Lizabeth Scott, toujours excellente et envoûtante avec sa belle voix grave et traînante). Et pourquoi pas d’ailleurs : ce n’est pas le premier ni le dernier film à prendre modèle sur le chef d’œuvre de Hawks.
En revanche, les pillages à peine déguisés sont nettement moins pardonnables : la référence omniprésente à l’odeur de jasmin que ressasse Bogart tout au long du film rappelle furieusement le chèvrefeuille d’Assurance sur la mort. Et la réplique de Bogie qui s’apprête à lâcher celle qu’il aime (« Don’t you love me ? – That’s the tough part of it, but it will pass ») est un copié-collé éhonté du Faucon maltais.
Pas désagréable pour autant : Bogart assure le spectacle, en particulier dans son face-à-face avec l’homme de main joué par Marvin Miller. Il y a entre ces deux-là une tension dont on sent dès leur première rencontre qu’elle est explosive. Le film aurait cependant gagné à être dirigé par un réalisateur plus à l’aise avec le genre. John Cromwell fait le travail proprement, mais sans éclat.