Alice Comedies, vol. 2 (Alice Comedies 2) – de Walt Disney – 1924, 1926, 1927, 2017
Ce programme de quatre courts métrages repose sur d’excellentes idées. Premièrement, il prouve que le muet garde toute sa force évocatrice pour les jeunes d’aujourd’hui. Deuxièmement, accompagner ces films oubliés de Disney d’une musique bien d’aujourd’hui (trois partitions formidables de l’Orchestre de Chambre d’Hôte, et une quatrième signée Manu Chao pour le dernier court) permet justement de sortir de l’oubli ce qui fut le premier grand succès de Disney au cinéma, avant la naissance de Mickey.
Entre 1923 et 1927, Walt Disney a réalisé une bonne cinquantaine de courts métrages dont l’héroïne est une jeune fille, jouée par une vraie comédienne (la toute jeune Virginia Davis d’abord, puis d’autres fillettes au fil des ans), qui évolue dans un monde de dessins animés. Un mélange qui n’est pas totalement inédit à l’époque : les frères Fleischer l’avaient expérimenté dès la fin des années 10. Mais Disney le perfectionne, permettant même parfois de vraies interactions entre Alice et les cartoons. C’est lui aussi qui fera passer ce dispositif dans une nouvelle ère quarante plus tard, avec Mary Poppins.
Côté animation, on est dans le Disney première période. Loin de la perfection visuelle et du réalisme de ses grandes œuvres à venir, Disney propose un dessin très épuré et une animation souvent sommaire, mais où le gag est roi, avec d’incroyables trouvailles visuelles qui n’auront plus leur place dans son cinéma à partir des années 30. Les Alice Comedies préfigurent sans doute davantage Tex Avery que Disney lui-même, finalement.
Jour de pêche (Alice’s fishy story) – 1924
C’est l’un des premiers courts métrages de la série, et Disney justifie encore la coexistence d’un personnage de chair et d’os et de cartoons, comme une histoire que raconte la fillette à ses copains. La partie animée n’occupe d’ailleurs que la moitié centrale du film, qui évoque très clairement pour la partie « live » la série des Petites Canailles, alors très en vogue.
Elle ne manque d’ailleurs pas de rythme, cette partie live, avec les gamins embarqués dans une voiture lancée à travers les grandes avenues encore champêtres d’Hollywood, et quelques belles trouvailles : ce chien qui joue du piano à la place d’Alice pour tromper la vigilance de la mère est tout de même très drôle.
La partie animée ne manque pas de charme non plus, et rappelle que les temps ont bien changé : à l’époque, on pouvait montrer des poissons se faire tuer dans un film familial ! Cela dit, l’interaction entre Alice (Virginia Davis) et son partenaire animé Julius le chat reste très minime.
La Magie du cirque (Alice’s circus daze) – 1927
Ce court marque la première apparition de Loïs Hardwick, qui sera la dernière interprète d’Alice : à partir de 1928, le succès de Mickey portera Disney vers d’autres aventures. La fillette y fait un numéro avec Julius dans un cirque dont les artistes sont tous de drôles d’animaux. Il faudrait voir le film plusieurs fois d’affilée, tant les gags sont nombreux, simultanément, aux quatre coins de l’écran.
Alice elle-même n’est au cœur du court métrage que lors d’un spectaculaire numéro d’équilibre : elle trône en haut d’une bonne dizaines de chaises empilées l’une sur l’autre, sur le nez de Julius. C’est enlevé, drôle et bourré d’idées comiques typiques de cette époque : les chaises tombent l’une après l’autre, et Alice reste en l’air… Jouer avec la gravité était alors l’objet inépuisable de gags.
L’Ouest moutonneux (Alice in the Wooly West) – 1926
On retrouve d’ailleurs ce même jeu avec la gravité dans ce court qui se déroule dans l’univers du western, lors d’une bagarre d’anthologie entre Julius et le grand méchant de l’histoire : un braqueur de dilligence qui a enlevé Alice (interprétée cette fois par Margie Gay). C’est le plus rythmé des quatre courts, un enchaînement non stop de poursuites et de bagarres.
Les gags aussi s’enchaînent, toujours sur le thème de l’absurde et du burlesque. Alice joue les faire-valoir bien sûr, mais quelques plans plutôt bien fichus l’intègrent réellement dans l’action. Une vraie tornade !
Alice joueuse de flûte (Alice the piper) – 1924
Disney s’offre une parodie du fameux Joueur de flûte de Hamelin, avec Alice (jouée par Virginia Davis) dans le rôle titre, chargée de débarrassée le « château du roi » (en l’occurrence, la bicoque d’un vieillard) des rats qui lui gâchent la vie. Des rats aussi machiavéliques qu’imaginatifs, qui modifient l’annonce que placard le vieux : ce dernier promettait 5 dollars à celui qui l’aiderait ; eux changent l’affiche pour promettre 5000 dollars !
C’est cette annonce qui motive Alice et Julius, qui s’imaginent donc dans la peau du joueur de flûte. Sauf que ce qui marche dans les contes ne fonctionne pas forcément (encore) dans les films de Disney : à mi-film, le prétexte du film est balayé d’un revers de la main, et Alice et son comparse passent à tout autre chose, en troquant la flûte contre un aspirateur géant. C’est ça aussi qui caractérise le Disney des débuts : une totale liberté.
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