La Main au collet (To catch a thief) – d’Alfred Hitchcock – 1955
Peut-être est-ce à leurs films mineurs que l’on reconnaît les plus grands. La Main au collet n’a l’ambition ni de Fenêtre sur cour, ni de Sueurs froides. Mais la maîtrise d’Hitchcock y est telle que la moindre scène devient un grand moment de cinéma. Une fausse course-poursuite filmée à grands renforts de transparences devient un grand suspense. Un simple pique-nique dans une voiture devient un sommet érotique. De longs plans sur des toits déserts deviennent des moments d’angoisse…
Il y a Cary Grant, classe et irrésistible en ancien cambrioleur soupçonné par la police d’avoir « remis ça », et sur lequel Hitchcock, rigolard cette fois (contrairement à Soupçons, où les soupçons étaient sérieux), s’amuse à laisser planer un léger doute dans une poignée de scènes légères comme des bulles de champagnes : ses face-à-face avec l’agent des assurances interprété par John Williams sont particulièrement réjouissants.
Il y a Grace Kelly aussi, telle que seul Hitchcock l’a vue : derrière cette blondeur si douce et ce port si altier qui attireront l’œil du Prince voisin lors de ce tournage, lui met en valeur la jeune femme libre et hypersexuée, dont chaque regard respire le désir et un brin de provocation. Une interprète idéale pour Hitchcock, qui ne retrouvera jamais aucune actrice capable d’incarner si naturellement cette vision de la femme.
Il y a la Riviera enfin, le troisième personnage clé, ce décor de vacances qui joue un rôle si important dans le rythme et l’esthétique du film. Le drame, pour une fois, n’est quasiment jamais réellement sérieux, à de rares et courtes exceptions près. Comment pourrait-il l’être dans ce monde trop beau pour être vraiment vrai, où les riches vacanciers se font passer pour ce qu’ils ne sont pas, et portent des diamants auxquels ils ne tiennent pas.
Une récréation pour Hitchcock ? En quelque sorte, oui, une manière aussi de prendre l’air et de retrouver de grands paysages après les tournages en studios du Crime était presque parfait et de Fenêtre sur cour. La Main au collet vient clore en beauté son triptyque Grace Kelly. En associant le suspense à une légèreté, un humour et un vrai sens du mouvement, Hitchcock renoue aussi à un cinéma qui avait marqué sa période anglaise, et qu’il avait délaissé jusque là depuis son arrivée à Hollywood.
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