Dressé pour tuer (White Dog) – de Samuel Fuller – 1982
La violence, sous toutes ses formes, est au cœur du cinéma de Samuel Fuller. Il n’empêche : on n’attendait pas du réalisateur de La Maison de Bambou ou Shock Corridor un film consacré à un chien tueur…
Le sujet étonne, les premières images déroutent carrément: visuellement, le film a quand même une esthétique discutable, avec un côté kitsch franchement inhabituel pour le cinéaste, et quelques effets très datés années 80.
Pourtant, Fuller finit par emporter le morceau. Ponctuellement, avec quelques superbes plans séquences: l’arrivée du metteur en scène sur le tournage, ou un saisissant travelling qui se termine en gros plan sur le visage de la jeune femme. Mais c’est surtout la manière dont il fait monter la tension qui rend le film mémorable.
Ça commence de la manière la plus banale qui soit, avec la rencontre d’une jeune femme et d’un chien perdu, qu’elle décide de garder et qui lui sauve la vie. Il y a entre ces deux-là une relation quasi-fusionnelle qui se met en place. On sent bien que ce brave chien est prêt à tout pour défendre sa maîtresse.
Mais ce digne héritier de Lassie n’est pas si net. D’abord, il est trop blanc. Et puis il n’a pas l’air de trop aimer les noirs… En fait, il a même l’air d’avoir envie de les bouffer. Littéralement. Et là est le sujet du film, et sa force : avec cette drôle d’histoire d’amitié, Fuller aborde le racisme de la manière la plus inattendue qui soit, avec un “chien blanc”, dressé par ses premiers maîtres pour attaquer toute personne de couleur qui passe à sa portée.
Cela donne quelques séquences de pure angoisse : l’attaque d’un éboueur en pleine nuit, et surtout la traversée d’un quartier noir avec l’apparition d’un gamin sur le trottoir, à quelques mètres du chien. Un moment de pure terreur…
Une grande partie du film repose aussi sur le “désapprentissage” du chien, dans un centre spécialisé. Si Paul Winfield, dans le rôle du dresseur (noir, donc) obnubilé par son obsession de désapprendre le racisme, est très intense, sa prestation est souvent éclipsée par celle de Burl Ives qui, même s’il reste souvent en retrait, et même lorsqu’il figure en arrière-plan tout flou, a le don pour capter la caméra et dévorer l’écran.
Finalement, Fuller trouve le bon ton pour rester réaliste, tout en suggérant une sorte d’intelligence hors norme (la scène de « l’évasion »), flirtant avec le fantastique sans jamais y céder. Peut-être pas le plus réussi de ses films, mais sans doute le plus étonnant.
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