Le Village des damnés (Village of the damned) – de John Carpenter – 1995
Carpenter s’est approprié pas mal de thèmes bien connus du cinéma fantastique. Il a aussi signé un remake officieux de Rio Bravo (Assaut) et un autre, bien assumé celui-ci, de La Chose d’un autre monde (The Thing). Mais ce remake-ci, d’un petit classique du cinéma fantastique british des années 60, a quelque chose d’unique dans sa filmographie.
Même titre, même histoire, même ville, mêmes personnages en grande partie… Pas d’erreur sur les intentions. Le scénario du film de Wolf Rilla est d’ailleurs crédité au générique, au même titre que le roman original. Mais ce Village des damnés-là est tellement un remake qu’il n’existe réellement que comme tel, par rapport au film de 1960.
Ce qui explique les « trous » que l’on peut regretter dans la narration, les ellipses douteuses et une manière parfois hasardeuse d’avancer dans l’histoire. Avec ce film, c’est comme si John Carpenter avait voulu rendre hommage aux aspects les plus réussis du film de Rilla, et surtout rattraper ce qui l’était moins. On a donc des passages qui sont des copiés-collés du premier film, des dialogues entiers repris tels quels. Ces moments là sont d’ailleurs les moins intéressants, comme si Carpenter s’en désintéressait : si c’était bien chez Wolf Rilla, pourquoi s’embêter à vouloir le refaire ?
Dans les différences, en revanche, le film est passionnant. Le film original se concentrait essentiellement sur son couple vedette, reléguant les seconds rôles aux arrières-plans ? Carpenter commence son film en soulignant l’importance de la communauté, et en multipliant les personnages. Celui de George Sanders, d’ailleurs, est « coupé » en deux, repris à la fois par le médecin du village (Christopher Reeve, dans l’un de ses derniers rôles avant l’accident) et par une scientifique d’une agence gouvernementale (Kirsty Alley).
Les pouvoirs des gamins maléfiques avaient des effets trop modestes? Carpenter appuie sur le gore avec un cuisinier qui se transforme en grillade, ou un médecin qui pratique l’auto-opération… Les liens entre ces enfants et leurs « parents » était vite rompus? C’est peut-être là que se situe la plus grande différence, avec des ébauches d’humanisation chez l’un des enfants, et l’envie d’une mère d’aimer son fils malgré tout.
Et puis il y a l’élégance de Carpenter, entièrement au service de l’efficacité du récit, qui s’amuse aussi à s’auto-citer à travers quelques plans typiquement carpenteriens : l’ombre au début du film qui évoque le brouillard de Fog, un travelling sur une haie qui renvoie aux plans inoubliables de Halloween, ou un visage monstrueux en surimpression qui rappelle curieusement Invasion Los Angeles. Tourné après l’un des sommets de sa filmographie (L’Antre de la folie), et avant une ultime série de films sans doute moins originaux, Le Village des damnés a déjà des allures de bilan.