The Silver Cord (id.) – de John Cromwell – 1933
On sent bien que ce petit mélo pré-code est adapté d’une pièce de théâtre. A l’exception d’une première scène joliment naïve, qui nous présente le couple vedette formé par Irenne Dunne et Joel McCrea, toute l’action du film se déroule dans la grande demeure familiale de la maman de Joel, où ce dernier revient après deux ans d’absence pour présenter sa jeune épouse.
Pourtant, l’impression de théâtre filmé n’apparaît que de loin en loin. Car si la mise en scène de Cromwell est globalement très anonyme, il y a là un rythme imparable, et de beaux interprètes qui donnent une intensité remarquable au film. Les actrices, surtout, sont formidables : Irenne Dunne en femme moderne (pensez, elle est scientifique, mariée, et enceinte !) et volontaire, et Frances Dee en femme bafouée, aussi belle que bouleversante. C’est d’ailleurs sur le tournage de ce film, où elle interprète sa belle-sœur, que Frances Dee rencontre Joel McCrea, ces deux-là ne devant plus être séparé que par la mort.
Pour une fois, la romance est plus… romanesque sur le plateau qu’à l’écran. Parce que le film est d’une cruauté inattendue, avec des rôles masculins (McCrea et son frère, joué par Eric Linden) incroyablement dépourvus de caractères, totalement castrés par une mère dévorante, manipulatrice, tellement odieuse qu’elle en est réjouissante. C’est Laura Hope Crews, la « tante Pittypat » d’Autant en emporte le vent, absolument glaçante dès sa première apparition. Mais pas dans le registre habituel des méchantes belle-mères de cinéma : elle aborde des faux-semblants d’empathie, qui dissimulent (de plus en plus mal) une cruauté rare.
Voir un tel personnage de mère n’est pas si courant dans le cinéma américain, et le film n’atténue jamais le trait, jusqu’à un final qui laisse une sacrée amertume.