Gibraltar – de Fedor Ozep – 1938
Des bateaux anglais explosent au large de Gibraltar pour une raison inconnue. Un agent britannique est chargé d’en découvrir la cause, sauf qu’il est arrêté pour trahison. Vraiment ? Cette histoire assez classique d’agent double dans une Europe à l’aube de la guerre est un faux suspense auquel Ozep ne croit pas vraiment, et qu’il évacue très vite : l’officier n’a trahi qu’en façade, pour mieux intégrer l’association d’espions à la solde d’une puissance étrangère malfaisante, association dirigée par Erich Von Stroheim.
Un Von Stroheim très impliqué (ce qui est quand même loin d’être toujours le cas). L’ancien génie reconverti dans la panouille est excellent, apportant une pointe d’humanité à son rôle de grand méchant. Les adieux qu’il fait à sa belle, qu’il laisse partir par amour pour elle, sont particulièrement beaux.
Il est en tout cas à la fois plus intense et plus contrasté que le héros incarné par Roger Duchesne, assez fade, et pas seulement en comparaison. Un personnage dont on se demande même comment il peut rendre aveugles à ce point les deux femmes du film : la « vraie » fiancée pas si confiante jouée par Yvette Lebon, et surtout la danseuse exotique qu’incarne Viviane Romance, espionne amoureuse dont l’ultime scène est assez magnifique. C’est à elle que l’on doit d’ailleurs l’un des moments les plus originaux du film, que n’aurait pas renié Hitchcock : alors qu’elle est sur scène pour son numéro de danse, elle communique en plein spectacle en délivrant ses messages en morses avec ses castagnettes. Un message qui prend des allures tragiques dans son dernier numéro.
Le meilleur, ce sont les partis pris souvent extrêmes de Fedor Ozep. Sans doute contraint par son budget, il filme constamment les à-côtés, ou les coulisses. Du drame inaugural du film, on ne voit ainsi qu’une discussion très amicale dans les antres d’un bateau, entre deux machinistes à propos d’une souris, avant l’explosion d’une maquette qui ressemble furieusement… à une maquette (encore une influence du sieur Hitchcok ?). Pourtant, cette simplicité et cette économie de moyen renforce l’émotion.
C’est le cas aussi lors du sabotage suivant. Du bateau qui coule avec ses 2000 hommes à bord, on ne verra rien, on n’entendra rien, si ce n’est les messages échangés en morses et à distance. Et ça fonctionne : la tension est alors extrême.
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