L’Emigrant (The Immigrant) – de Charles Chaplin – 1917
* Titres alternatifs (VO) : The New World ; A Modern Colombus ; Hello USA ; The Refugee
* Titre alternatif (VF) : Charlot voyage
Ce chef d’œuvre possède déjà tout ce qui fera la grandeur des longs métrages de Chaplin : un mélange de comique, de tragédie et de critique sociale. Tout ça apparaît dans une scène formidable, vers le début du film : à bord du bateau qui les amène en Amérique, une poignée d’émigrants oublie d’un coup le mal de mer qui les rongeait lorsqu’ils aperçoivent la statue de la Liberté, symbole de leur avenir. Mais les regards émus des visages filmés en gros plan sont bientôt ramenés à la réalité par les officiers du bateau qui les enferment derrière une lourde corde, comme du bétail.
L’Emigrant, c’est un peut tout ça : le rire, l’émotion et une extrême lucidité, en une poignée de secondes seulement. C’est aussi un modèle de construction, d’une intelligence narrative de plus en plus affirmée. Pour réaliser à quel point le perfectionnisme de Chaplin atteignait, déjà, des sommets, dans la conception de chaque scène, de chaque gag, il suffit de comparer L’Emigrant à Charlot marin, tourné deux ans plus tôt à la Essanay. Dans les deux films, Chaplin utilise le même trucage pour simuler le roulis du bateau. Mais ici, la réalisation technique est autrement plus ambitieuse, et donne lieu à des gags nettement plus précis, et parfaitement intégrés dans l’histoire.
La séquence du restaurant fait partie des grands moments du cinéma de Chaplin. Tout tourne autour d’une idée unique : Charlot réalise qu’il a perdu l’argent qui devait lui servir à payer son repas, et se demande comment il va s’en sortir. La menace du serveur brutal interprété par Eric Campbell est constamment présente, et la manière dont Chaplin se met en scène comme écrasé par cette présence est formidable.
Mais c’est un certain optimisme qui se dégage du film. Pas un optimisme béat : la mère du personnage joué par Edna Purviance meurt, et la fortune n’est pas au bout du chemin. Mais un optimisme bien réel, symbolisé par l’amour, et par la rencontre avec un artiste (Henry Bergman) qui apporte l’espoir au jeune couple. Après tout, c’est grâce à son art que Chaplin, lui-même émigrant venu d’Angleterre, a trouvé sa place sur la terre américaine.
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