L’Enfer est pour les héros (Hell is for heroes) – de Don Siegel – 1962
On ne peut pas dire que le film de guerre soit le genre de prédilection de Don Siegel : à l’époque surtout, le cinéaste oscille entre le western et le polar. L’Enfer est pour les héros est d’ailleurs tourné entre Les Rôdeurs de la plaine, sans doute le meilleur Elvis, et A bout portant, l’un des chefs d’œuvre de Siegel. Pourtant, avec ce film intense et sombre (dans tous les sens du terme), il marque le genre de son empreinte.
Ce qui frappe surtout dans ce film à l’histoire relativement classique, c’est l’incroyable économie de moyen. Si on fait excepte la dernière partie, bataille spectaculaire avec explosions et figurants en nombre, tout le film repose sur l’attente, le vide, et le noir qui entoure les personnages. La violence est là, omniprésente, mais comme une menace palpable mais invisible, la plupart du temps.
L’action se déroule en 1944, dans les Ardennes belges. Et c’est dans les ruines d’un village loin du front que l’on fait connaissance avec les personnages, soldats confrontés à l’attente et à l’ennui, et persuadés qu’ils en ont fini avec les combats. Et ça se poursuit quelques kilomètres plus loin, dans un paysage dénué de tout charme, une espèce de no man’s land où un minuscule groupe de soldats est chargé de garder la ligne face aux Allemands postés quelques centaines de mètres plus loin.
Mais quelle ligne ? Les restes d’un blockhaus, quelques trous creusés dans la terre, de rares arbres encore debout… Rien, ou presque, comme pour mieux souligner l’absurdité de cette violence qui, on le sait, finira par exploser. Un bunker quasiment vide d’un côté, un bunker lourdement armé de l’autre. Et entre deux : un espace d’autant plus inquiétant qu’il ne s’y passe strictement rien la plupart du temps.
Et quand il s’y passe quelque chose, on ne distingue que quelques ombres : celles de soldats allemands tapis là, celles des Américains qui rampent lentement et sans bruit… Parmi ces Américains : quelques figures habituelles du film de guerre, presque caricaturales. Et Steve McQueen, héros de guerre au regard sec et profond, comme âbimé par trop de visions d’horreur. Un homme que l’on découvre d’abord incapable de faire face aux simples moments de vie et de paix.
Deux ans seulement après Les 7 Mercenaires, McQueen est formidable dans un rôle aux antipodes de celui qui a fait de lui une star. Il retrouve d’ailleurs James Coburn, lui aussi excellent, et étonnamment sobre dans un rôle également très différent du « mercenaire » qu’il incarnait dans le film de Sturges.
Par la simplicité de sa narration, par son économie de moyen, par la modestie de ses enjeux dramatiques (quelques vies humaines, simplement…), L’Enfer est pour les héros dit beaucoup plus sur la guerre et ce qu’elle représente que la plupart des grosses productions du genre.
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