La Rançon d’un trône (Adam’s Rib) – de Cecil B. De Mille – 1923
Ça commence comme l’une des nombreuses comédies du remariage dont De Mille s’est fait une spécialité à cette époque. Mais très vite, le réalisateur dévoile une ambition nouvelle, décuplée, ambition qu’il confirmera cette même année avec Les Dix Commandements, sorte de trait d’union entre les deux grandes tendances de sa filmographie, la comédie de mœurs et le film biblique.
Il y a, au cœur d’Adam’s Rib, un couple en crise, une fois encore. Mais il y a beaucoup plus que ça : une évocation des rapports entre les peuples (avec une vision énamourée du mode de vie américain, en opposition avec ceux de tous les autres pays du monde, pour faire simple), une illustration des Révolutions de l’Est, et beaucoup d’autres choses, avec des intrigues croisées, une demi-douzaine de personnages centraux, et même l’un de ces épisodes « historiques » (pré-historique même, en l’occurrence) que De Mille adorait, qui coûtent une fortune, et qui franchement n’amènent pas grand-chose.
Cette séquence, censée illustrer le fait que rien ne change jamais dans les rapports hommes-femmes, est même la seule faille de ce film par ailleurs passionnant. Au cœur du film, il y a surtout les rapports humaines, le portrait d’une mère de famille d’âge mur (quasi 40 ans !), délaissée par son mari, mais qui veut encore connaître l’amour. L’une de ces femmes d’habitude reléguées aux bons soins de monsieur, qui se retrouve « en compétition » avec sa fille de 17 ans, qui connaît elle ses premières amours. La scène du bal est ainsi étonnante et particulièrement audacieuse, les deux femmes se disputant les faveurs d’un même homme…
La manière dont De Mille filme ces deux femmes est exceptionnelle, surtout dans cette Amérique si puritaine. Pour le coup, et même si la conclusion remet quelque peu les choses (et les femmes) à leurs places, il n’est pas loin d’endosser le statut de cinéaste le plus féministe de l’époque !
L’un des plus passionnants en tout cas. Surtout que, pour cette fois, la référence biblique du titre (la côte d’Adam que Dieu a utilisé pour créer Eve) ne prend jamais la forme d’un message moralisateur (ce dont De Mille ne se privera pas toujours par la suite). Adam’s Rib est juste un film formidable.