Snow Therapy / Force majeure (Turist) – de Ruben Östlund – 2014
En vacances dans une station de ski luxueuse des Alpes françaises, une famille qui cherche à se retrouver en échappant à l’effervescence de la vie quotidienne est confrontée à une grave crise lorsqu’une avalanche les menace : voyant venir la coulée de neige, le père prend la fuite sans s’occuper des siens, tandis que le premier réflexe de la mère est de protéger leurs enfants. L’avalanche est finalement sans danger, mais l’instinct de survie du père plane désormais sur le couple et toute la famille…
Les éléments occupent une place centrale dans ce film magnifique. L’avalanche pour commencer, filmée du point de vue de touristes sur une terrasse, qui apparaît discrètement au loin avant d’envahir l’ensemble du cadre dans un plan impressionnant. La neige, toujours, qui entoure les personnages et souligne cette culpabilité ou ce doute qui les tenaillent. Et puis le brouillard, dans une longue et magnifique scène aussi révélatrice que libératrice, dans laquelle chaque membre de la famille semble totalement isolé, traversant une sorte de no man’s land avant de se retrouver. « On a réussi ! » s’exclament-t-ils alors.
Le décor du film n’est pas ordinaire : un hôtel luxueux dans une station très haut de gamme. Mais le drame qui se noue est intime, révèle les individualités et les solitudes de chacun, et interroge sur la vérité profonde de tous. Comment aurions-nous réagi dans une telle situation ? Qu’est-ce que notre instinct nous aurait poussé à faire ? Et comment réagirions-nous si ceux que l’on aime révélait un instinct de survie égoïste ? J’ai beau avoir la certitude profonde que je serais resté au plus près de ma femme et de mes enfants, le trouble de Tomas, et des autres personnages, semble universel.
Snow Therapy est un film beau, fort et poignant. Mais jamais sur un ton larmoyant, et jamais en adoptant une posture de donneur de leçon, bien au contraire. On rit, même, mais un rire toujours nerveux : la comédie qui finit par s’installer peu à peu dans le drame n’est jamais très loin de la douleur. Il faut voir les pleurs cacophoniques quasi-comiques de Tomas, et les plans nettement moins drôles sur ses enfants angoissés…
Le tragi-comique, c’est aussi la manière dont le traumatisme revient constamment à la charge, devant des témoins de circonstances, comme si le couple, ou plutôt la famille, était incapable de dire les choses, d’accepter ensemble une vérité qui dénie toutes les certitudes de la constitution d’une famille, dont Ruben Östlund se révèle d’emblée un observateur féroce.
Trois ans avant sa Palme d’Or pour The Square, le cinéaste suédois décroche le Prix du Jury et s’impose comme l’un des grands réalisateurs à suivre du moment.
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