Mannequin (id.) – de Frank Borzage – 1937
Il y a une scène au début de Mannequin qui rappelle clairement l’un des plus beaux plans de L’Heure suprême : un travelling vertical qui accompagne l’héroïne Joan Crawford montant l’escalier de son appartement, comme le couple magnifique du chef d’uvre muet de Borzage. A ceci près que l’escalier ne mène plus au « septième ciel » (Seventh Heaven, le titre original), mais à une triste masure que la jeune femme ne supporte plus, et que chaque marche ressemble à une épreuve plus insurmontable que la précédente…
Dix ans plus tôt, l’amour était la réponse à tous les problèmes de la vie dans les films de Borzage. En 1937, ce n’est plus aussi simple. Joan Crawford n’est pas une romantique. Ce qu’elle veut plus que tout, ce n’est pas trouver l’amour, mais sortir de ce trou. « Quel qu’en soit le moyen, même si tu dois le faire seule », lui lance sa mère dans une scène d’intimité aussi inattendue que bouleversante, où la vieille femme se livre à demi-mot sur la vie qu’elle-même n’a pas eue.
Mannequin est presque un film féministe. « Presque », parce que la conclusion et les tout derniers mots prononcés par la star ont dû ravir les gardiens des bonnes mœurs de l’époque. C’est aussi l’un de ces films pour lesquels Joan Crawford semble être faite : ce personnage de jeune femme prête à tout pour sortir de la pauvreté, c’est un peu elle. Elle lui apporte en tout cas une intensité et une émotion magnifiques. Une certaine naïveté aussi, elle qui s’amourache d’un bellâtre dont c’est écrit sur le front qu’il est un salaud, et qui repousse le richissime Spencer Tracy sans voir que c’est un type formidable.
Comme dans tous les films de Borzage, il y a la vérité des sentiments, il y a l’humanisme aussi, un rythme exceptionnel, et une émotion profonde toujours teintée d’une pointe d’humour. Dans Mannequin, il y a aussi des dialogues absolument géniaux, et une alchimie incroyable entre Joan Crawford et Spencer Tracy, dont les méthodes d’acteurs (elle perfectionniste et tatillonne, lui nonchalant et naturel) correspondent parfaitement à leurs personnages respectifs. Pas besoin de ce tour du monde qu’ils entament ensemble : il suffit qu’ils soient tous les deux à l’écran pour qu’une sorte de bulle se forme autour d’eux. C’est de la pure alchimie, et c’est magnifique.
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