Saboteur sans gloire (Uncertain glory) – de Raoul Walsh – 1944
Encore une merveille signée Walsh, qui boucle une sorte de triptyque officieux de films de propagandes dont Errol Flynn est la vedette. Après le très léger Sabotage à Berlin et le très mouvementé Du sang sur la neige, Saboteur sans gloire surprend par sa tonalité et par son personnage principal, un authentique salaud pour une fois, voleur, meurtrier, égoïste, profiteur de guerre… Bref, un rôle inattendu pour Flynn.
Le film commence, curieusement, de la même manière que L’Imposteur, le film de Duvivier, sorti à peine deux mois plus tôt aux Etats-Unis. Le personnage de Flynn, comme celui de Gabin, y échappe miraculeusement à l’exécution par la guillotine lorsque la prison où il se trouve se retrouve détruite par un bombardement qui coûte la vie à ses bourreaux. La comparaison entre les deux films s’arrête à peu près là, même s’il sera évidemment question de rédemption, de sens du sacrifice, et de l’esprit français, que Hollywood ne cessait de mettre en avant ces années-là.
Flynn, plus charmeur et souriant que jamais, reste un sale type quasiment jusqu’au bout. Un homme préoccupé par son seul sort, qui semble traverser la guerre et l’occupation comme un simple visiteur en villégiature. Walsh le flanque de son exact opposé, un super flic qui le traque et ne tarde pas à l’arrêter, qu’interprète l’excellent Paul Lukas, acteur aussi à l’aise pour jouer les ordures que, comme c’est le cas ici, l’image même de l’honnêteté et de la générosité.
Leur duo fonctionne parfaitement, et se retrouve au cœur des passages les plus forts. C’est le cas lors de la scène-clé de l’histoire. Arrêté dans une petite ville où cent habitants s’apprêtent à être exécutés par les Allemands en guise de représailles après un attentat meurtrier commis par un mystérieux résistant, Flynn propose à Lukas de le laisser se dénoncer comme l’auteur de l’attentat, afin de sauver les otages, et surtout d’échapper à la guillotine, qui lui semble nettement plus barbare qu’un peloton d’exécution. Troublé par cette proposition, le policier est perdu dans ses pensées face à son prisonnier qui attend sa décision, tandis que les ombres des otages se profilent sur le mur derrière eux…
Ce plan est tout simplement renversant. Tout le film, d’ailleurs, est visuellement splendide, avec un noir et blanc sublime (signé Sidney Hickox, chef of de Walsh sur une quinzaine de films parmi ses meilleurs), de merveilleux décors (dus à Robert Haas) et l’extraordinaire sens du cadre du cinéaste. En plus d’offrir à Errol Flynn l’un de ses meilleurs rôles, Uncertain glory transcende les codes du film de propagande, pour offrir à la fois un spectacle profondément réjouissant, et une plongée passionnante dans les tourments mentaux d’un criminel.
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