Whatever works (id.) – de Woody Allen – 2009
Le plus New-Yorkais des cinéastes américains a tourné tous ses films en Europe entre 2004 et 2012, à une exception près : ce Whatever works, qui marque ses retrouvailles avec « sa » ville, et avec un ton qui rappelle ses grands classiques d’hier, ces films dont il tenait immanquablement le premier rôle avec cet éternel personnage d’angoissé insatisfait aux aphorismes irrésistibles.
Les premières minutes de Whatever works sont d’ailleurs un peu déstabilisantes. Parce que ce personnage de génie vieillissant et trop lucide ressemble furieusement à celui qu’il a incarné si souvent. Et que pour une fois, ce n’est pas lui qui est à l’écran, mais Larry David, homme de télévision très célèbre en Amérique, moins chez nous. Généralement, Woody Allen ne filmait des alter-egos que lorsqu’il était touché par la limite d’âge (comme Kenneth Branagh dans Celebrity). Ce n’est pas le cas ici, et l’envie d’entendre Woody débiter lui-même ces répliques sarcastiques est forte…
Et puis Larry David, qui paraissait d’abord singeait Woody, finit par s’imposer. Et son personnage par révéler sa singularité. Oui, il y a des similarités avec le traditionnel personnage allenien. Mais Boris Yellinikoff a sa propre singularité, une manière toute personnelle d’affronter les pires aspects de la vie, de se préparer constamment pour son issue tragique, et grosso-modo de mépriser le monde entier, y compris de jeunes enfants à qui il enseigne les échecs avec un mépris pas même dissimulé… et du coup à mourir de rire.
Boris est un homme volontiers méchant, mais dont le refus de se plier aux conventions sociales finit par éveiller ceux qui l’entourent à eux-mêmes. Et c’est tout le sujet de ce film faussement cynique, et profondément optimiste d’une manière inattendue : la manière dont chacun trouve sa place, la nécessité de tirer un trait sur ce que l’on croit être la vérité pour découvrir sa propre vérité.
Ce qui est beau dans Whatever works, c’est la manière dont Woody Allen amène l’émotion dans des moments de pure comédie où le cynisme semble dominer. Derrière le rictus trop détaché de Larry David, il y a une fêlure, une solitude, et un besoin de l’autre qui ne sont jamais clairement reconnus.
Et derrière ces couples (ou trios) qui se font ou se défont, aussi improbables qu’ils puissent être (un sexagénaire et une jeune femme qui pourrait être sa petite-fille, un catho réac qui découvre son homosexualité, une quinqua coincée qui se lance dans un ménage à trois), Woody fait montre d’une foi en l’être humain et d’un optimisme qu’on ne lui avait plus vus depuis longtemps, avec une propension au bonheur assez inattendue chez lui.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.