La Femme aux maléfices (Born to be bad) – de Nicholas Ray – 1950
On la voit venir de loin, la Joan Fontaine, avec son air de sainte-nitouche et son petit sourire de chacal. Une authentique femme fatale dont on imagine dès sa première apparition qu’elle va semer le malheur sur son passage. Hélas, c’est bien là la plus grande faiblesse du film : sans doute Joan Fontaine a-t-elle été choisie (par Howard Hughues, qui venait de prendre le contrôle de la RKO) parce qu’elle est l’image même de la douceur et de la bonté. Mais alors, pourquoi avoir rendu d’emblée si évidentes les intentions de la fausse douce ?
L’actrice est irréprochable, apportant un heureux mélange de passion et de machiavélisme à un personnage pas si simple que cela. Mais le film aurait sans doute gagné à laisser planer le mystère plus longtemps sur la présence de cette louve dans la bergerie. C’est d’autant plus dommage que le pur film noir qui nous ai promis réserve bien des surprises, en jouant constamment sur la nuance des sentiments, et sans tomber dans le noir profond.
Nicholas Ray, encore jeune dans le métier (c’est son cinquième film, il n’a pas encore 40 ans), sait mettre en avant ces petits détails qui révèlent les failles des personnages et de leurs sentiments. La séquence où Joan Fontaine instille la suspicion dans le couple formé par Joan Leslie et Zacharie Scott est en cela formidable, parce que rien n’y est surjoué ou lourdement asséné.
Le cinéaste peut, c’est vrai, compter sur un casting exceptionnel, avec aussi Mel Ferrer, et surtout Robert Ryan, dont je continue à me demander s’il sait mieux que personne choisir les bons films, ou si c’est sa simple présence qui donne aux films dans lesquels il joue cette dimension si particulière. Encore une fois, il fait mieux que donner une épaisseur à son personnage d’amant éconduit : il crée une sorte de lien intangible entre tous les personnages de ce drame. Si le film est une réussite, c’est au moins en partie grâce à lui.
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