La Chambre ardente – de Julien Duvivier – 1962
Jamais vraiment là où on l’attend, Duvivier signe un thriller très inspiré de l’ambiance baroque des films d’épouvante italiens de l’époque. Un château isolé, une mort mystérieuse, un cadavre qui disparaît, des nappes de brume qui semblent prendre vie, une cérémonie macabre dans une crypte mortuaire… Cette adaptation d’un roman de John Dickson Carr tient plus du film d’horreur que du polar, même si le fantastique n’est au final qu’apparence et faux semblants.
Encore que… Le film est construit sur un modèle cher à Agatha Christie : un meurtre mystérieux, et une poignée de personnages qui sont autant de suspects potentiels ayant un intérêt à voir la victime trépasser, à commencer par ses deux neveux (le survolté Claude Rich et le manipulateur Jean-Claude Brialy) qui attendent avec impatience et cynisme l’héritage du richissime tonton, un procédé dont Duvivier s’était déjà inspiré pour Marie-Octobre. Mais au milieu de ces personnages, il y a celui joué par Edith Scob, descendante d’une « sorcière » trahie et brûlée des siècles plus tôt par l’aïeul de la victime.
Voir Duvivier filmer un tel microcosme familial lourd de secrets n’a rien d’étonnant. Mais le voir flirter avec le fantastique, et mettre en scène un personnage visiblement habité par une sorte de malédiction familiale est nettement plus inattendu. L’association des deux est parfois bancale : aussi fascinant soit-il, le personnage d’Edith Scob paraît souvent un peu en décalage avec le reste du film. Mais elle contribue à l’atmosphère inquiétante et trouble du film.
Dès la séquence d’ouverture, « affrontement » de deux voitures lancées à toute vitesse sur les petites routes de la Forêt Noire, Duvivier installe une belle tension, et semble d’emblée opposer ses personnages les uns aux autres. Mais c’est quand il assume le plus ses envies de fantastique horrifique que son film est le plus réussi : lors des nombreuses scènes de nuit où il utilise tous les trucs du pur cinéma d’épouvante (l’obscurité, le vent dans les arbres, les bruits de pas dans la nuit…).
C’est le film d’un cinéaste qui aime son art, et qui profite de cette œuvre tardive pour rendre hommage à d’autres réalisateurs a priori très éloignés de son propre univers. En l’occurrence, on pense beaucoup à Mario Bava, dont le culte Masque du Démon était sorti l’année précédente. A Hitchcock aussi, à qui Duvivier emprunte la célèbre scène du verre de lait de Soupçons. Avec de telles références, pas étonnant que La Chambre ardente soit si effrayant.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.