Le Carrefour de la mort (Kiss of Death) – de Henri Hathaway – 1947
On ne retient souvent du film que la prestation hallucinée de Richard Widmark, dont c’est le premier film, et cette scène où, avec un sourire sadique, il balance une infirme attachée sur son fauteuil roulant du haut d’un escalier.
C’est vrai qu’elle est traumatisante cette scène, sommet inégalable de sadisme qui continue à garder toute sa puissance horrifique. Widmark y est glaçant, sa présence habitant constamment le film. On en oublierait presque que son rôle, certes central pour l’histoire, n’en est pas moins secondaire. Que sa prestation est tout de même un peu outrancière (il en fait des tonnes, et fera preuve de beaucoup plus de nuances dans ses grands rôles à venir.
On en oublierait presque, aussi, que Victor Mature tient le rôle principal, et qu’il est, lui, d’une sobriété et d’une intensité remarquables. L’acteur est alors dans sa grande période : celle de La Poursuite infernale et La Proie, deux chefs d’œuvre , deux grands rôles particulièrement riches. Comme celui-ci, magnifique repenti qui cherche désespérément le droit à une deuxième chance.
Hathaway signe là un formidable thriller psychologique, tenu de bout en bout, et avec quelques grands moments de pur suspense qui reposent essentiellement sur la manière exceptionnelle qu’a le cinéaste de jouer avec le temps, de le dilater, et de faire durer les moments d’attente : cette nuit interminable et oppressante dans la petite maison qui a soudain perdu le caractère rassurant qu’elle avait peu avant ; et l’extraordinaire séquence finale, modèle de mise en scène.