Le Septième Sceau (Det Sjunde Insegelt) – d’Ingmar Bergman – 1956
Dans un pays ravagé par la peste, un chevalier et son écuyer de retour des Croisades, croisent la route de saltimbanques. Tout le monde a en tête la partie d’échecs dans laquelle se lance le chevalier (Max Von Sydow) avec la Mort, venue le chercher. Une partie qui sert en quelque sorte de fil rouge à cette déambulation aux portes de l’au-delà.
Mais il ne faudrait pas restreindre ce monument du cinéma à cet unique face-à-face. Pour faire simple et court : Le Septième Sceau est un chef d’œuvre absolu, une merveille de chaque instant, une succession de scènes d’une beauté sidérante. Bref : l’œuvre d’un cinéaste au sommet, qui parle d’un sujet forcément fort (le rapport à la mort, et du coup à la vie), avec un style éblouissant, et avec une légèreté inattendue.
Non pas que Le Septième Sceau soit une comédie à se taper le cul par terre, non. Mais Bergman signe paradoxalement un film par moment presque euphorisant. L’homme est un artiste, et croit visiblement en l’art comme raison de vivre. Car dans ce monde où chacun cohabite tant bien que mal avec l’homme, il y a ce couple de comédiens, avec leur bébé, qui ont su construire une sorte de cocon où la mort est tenue à l’écart par l’amour, et une certaine insouciance qui donne la banane. Alors oui, Le Septième Sceau est un film qui rend heureux. Qui, en tout cas, donne les clés pour l’être.
Mais dans ce Moyen-Âge où la mort est omniprésente (et qui, malgré une remarquable économie de moyens, sonne étonnamment vrai), ils ne sont pas nombreux à les avoir, ces clés. De retour des Croisades, le chevalier repousse le moment fatidique par peur de l’inconnu. Quant à son écuyer (formidable Günner Björnstrand, autre acteur fétiche de Bergman), sa défiance vis-à-vis des représentations de la mort ne trompe pas.
Il y a notamment une scène absolument bouleversante : le chevalier regarde une jeune femme condamnée au bûcher droit dans les yeux, avec une grande intensité. Dans un premier temps, on croit qu’il cherche à la rassurer, à l’aider à accepter le sort qui l’attend. Et puis on comprend : ce n’est pas elle qu’il cherche à rassurer, mais lui-même, qui guette désespérément dans le regard de la condamnée un signe qui lui indiquerait que quelque chose les attend, au-delà de la mort.
Avec Le Septième Sceau, Bergman réussit une sorte de miracle : un film à la fois incroyablement tourmenté, et bizarrement apaisé. Une merveille, en tout cas.