La Maison de Bambou (House of Bamboo) – de Samuel Fuller – 1955
Polar ? Film d’amour ? Choc des civilisations ? Impossible de restreinte La Maison de Bambou à un genre trop précis : le film de Fuller est d’une immense richesse. Passionné depuis toujours par l’Asie, le cinéaste découvre réellement le Japon avec ce film que Zanuck l’envoie tourner sur place, uniquement en décors réels. Le résultat, du point de la véracité des images, est stupéfiant.
Souvent tourné au milieu de la « vraie » foule, le film dégage une authenticité que peu de films hollywoodiens ont réussi à atteindre avant ou depuis. A tel point qu’on peine à croire que Fuller n’avait jamais mis les pieds au Japon avant le tournage : la vision que le film donne du pays est loin, très loin des clichés habituels des occidentaux. Sa manière de filmer les gens et la vie au plus près crée une proximité qui fait beaucoup pour l’atmosphère si atypique du film.
Entre l’attaque du train qui précède le générique et l’extraordinaire fusillade finale, le film regorge de morceaux de bravoure qui, tous, s’inscrivent dans les paysages que Fuller filme admirablement : face au Mont Fuji au début (avec un magnifique plan d’un cadavre d’Américain se découpant sur la mythique montagne), ou dans une espèce de fête foraine en pleine ville à la fin.
Mais entre ces deux extrêmes aussi, Fuller est constamment inspiré par les décors naturels, qui semblent avoir largement dicté sa manière de filmer son histoire. Il y a notamment un sublime travelling suivant Shirley Yamaguchi qui traverse le quartier populaire où elle vit, et où elle découvre l’animosité de ses voisins à l’égard de celle qui se laisse séduire par un étranger.
C’est un thème fort du film : la présence américaine dans ce Japon de l’après-guerre. Une présence qui semble pour le meilleur dans les premières images, qui montrent Japonais et Américains travaillant main dans la main pour le maintien de la paix. Mais cette vision idyllique ne tarde pas à avoir du plomb dans l’aile, avec des policiers véreux, et ce gang meurtrier dirigé par le grand Robert Ryan, une nouvelle fois extraordinaire en gangster qui voit son monde s’écrouler autour de lui.
Le film tourne autour de lui, de son influence, même si, techniquement, ce n’est pas lui le héros, mais Robert Stack, dans l’un de ses meilleurs rôles. Un sale type, semble-t-il dans les premières scènes, sans allure, sans morale et sans un sou, qui finit par être admis au côté du chef de gang avant de dévoiler sa véritable nature. Il y a l’histoire d’amour, magnifique, délicate et sensuelle, entre Robert Stack et Shirley Yamaguchi. Mais il y a aussi un inattendu triangle amoureux qui ne dit pas son nom entre Ryan, Stack, et Cameron Mitchell, qui nous offre une hallucinante scène de jalousie.
Et tout ça est filmé dans un Cinemascope d’une beauté renversante de chaque plan. Un film d’une richesse infinie, donc, et dont chaque aspect semble parfaitement abouti. La Maison de Bambou est un grand film d’amour, un grand polar, un grand suspens, et une merveilleuse plongée dans ce Japon de la reconstruction. Un chef d’œuvre, oui.
* DVD dans la collection « Hollywood Légende », avec une présentation passionnante de 30 minutes par François Guérif.
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