La Horde sauvage (The Wild Bunch) – de Sam Peckinpah – 1969
Comme dit l’ami Clint dans Le Bon, la brute et le truand : « J’ai jamais eu autant de mecs se faire tuer. » Peckinpah a-t-il voulu aller plus loin encore ? Il le fait à vrai dire, peut-être pas pour la quantité de cadavres laissés sur le bord de la piste (si quelqu’un connaît quelqu’un qui a envie de faire les comptes…), mais au moins pour l’impact de la violence.
Comme le même Clint le fera vingt ans plus tard dans Impitoyable, Peckinpah se débarrasse complètement du glamour de la violence, et de toute notion de bien ou de mal. En tout cas de bien. Il y a bien quelques beaux sentiments dans cet univers d’hommes où la vie des femmes ne pèse pas bien lourd : une certaine idée de l’honneur et de la fidélité. Mais ces sentiments ont quelque chose de déjà très archaïque.
On a évidemment beaucoup parlé de la violence du film ; de cette première séquence qui se conclue, dans le sang, par une terrible fusillade au cœur de la foule ; ou de cet incroyable carnage final où les cadavres tombent les uns après les autres. Mais c’est bien le côté archaïque qui marque les esprits.
Sur le fond, finalement, le film est assez classique. Mais dans la forme, il fait en quelque sorte le lien entre le western classique et la violence du spaghetti, avec un montage rapide et percutant pour le coup révolutionnaire, et qui sera maintes fois copié. Mais le film est formidable parce qu’il raconte l’histoire d’hommes vieillissants, qui ont compris que leur temps se termine, mais qui ne savent pas comment tourner la page.
William Holden en chef de gang au bout du rouleau, Ernest Borgnine en complice conscient du dilemme de son ami, Robert Ryan en chasseur fatigué des effusions de sang, Edmond O’Brien en vieil ours rigolard, ou encore Warren Oates et Ben Johnson en hommes de main forts en gueule… C’est un casting exceptionnel qu’a rassemblé Peckinpah. Des vieux de la vieille pour la plupart, qui appartiennent eux aussi à une autre époque, celle de l’âge d’or d’Hollywood.
L’Ouest n’est plus ce qu’il était, le XXème siècle est bien entamé, l’Amérique a tourné la page des cow-boys. Et c’est un gamin qui donnera le coup de grâce. Il est temps de passer la main ? La dernière image sonnera comme une ultime révolte : ce n’est plus tout à fait comme avant, mais on n’est pas encore mort…