Le Tueur s’est évadé (The Killer is loose) – de Budd Boetticher – 1956
Avant d’inaugurer son fameux cycle westernien avec Randolph Scott, Boetticher frappait déjà très fort avec ce thriller dont on sort franchement exsangue, après une séquence finale au suspense hallucinant. Tout le film, en fait, semble se diriger vers cette longue séquence nocturne qui semble d’une simplicité absolue : un piège à haut risque qui se referme – ou pas – sur un évadé bien décidé à tuer la femme du flic qui l’a arrêté.
Il faut dire que le flic en question (Joseph Cotten, prématurément vieilli et pas franchement impliqué) a lui-même tuer la femme de l’assassin, par mégarde, lors d’une scène nettement plus courte dont la violence sèche et brutale impressionnait déjà. Tout n’est pas parfait dans cette petite production dont certains passages en creux manquent un peu de peps. La faute, surtout, à un Cotten qui semble curieusement mal à l’aise, loin en tout cas de ses débuts spectaculaires chez Orson Welles.
Heureusement, sa femme est interprétée par Rhonda Fleming, qui ne se contente pas d’être une magnifique rouquine (même en noir et blanc), mais qui est absolument parfaite dans le rôle de la femme de flic trop exigeante, qui ne voit pas que son bonhomme fait tout pour la protéger. On la bafferait presque, mais c’est Rhonda…
Dans le rôle du tueur, Wendell Corey est lui aussi formidable. Loin de l’image habituelle des grands méchants de cinéma, il impose un personnage de grand malade un peu paumé absolument glaçant. Les éclats de violence de ce type à la gueule de comptable sont autant de décharges électriques qui donnent son ton au film, comme lors du meurtre sauvage du gardien de prison.
Et mine de rien, avec un noir et blanc propre mais sans grande profondeur, Boetticher signe un modèle de mise en scène, en tout cas dans les grands moments de tension comme cette séquence finale, dans laquelle il dilate le temps à l’extrême et concentre tout le suspense sur une unique rue d’un quartier résidentiel, paisible et familière. Du grand art.