14 heures (Fourteen hours) – de Henry Hathaway – 1951
Un jeune homme menace de sauter de la corniche sur laquelle il s’est retranchée, au 15ème étage d’un hôtel. Un petit flic en uniforme est le premier à lui parler. Une étrange relation les unit bientôt, tandis que la foule se forme au pied de l’immeuble… Tout le film tourne autour de ce simple postulat, et c’est l’une des très grandes réussites d’Hathaway.
Détaché pour une fois du film de genre (polar, western, aventure), le cinéaste préfère à l’action la psychologie. C’est tout l’enjeu du film : découvrir le passé de ce jeune désespéré pour mieux comprendre ses motivations. Pour être tout à fait honnête, l’approche psychologique sonne un peu faux aujourd’hui, simpliste en tout cas, malgré la présence de Martin Gabel en psychiatre. Une sorte de synthèse freudo-hollywoodienne du complexe d’Oedipe, avec une mère plutôt ravageuse (Agnes Moorehead).
Mais ce qui sonne vraiment juste, c’est la relation qui se tisse entre le jeune homme (Richard Basehart, intense) et ce flic simple et bon (Paul Douglas, profondément attachant). C’est aussi le travail de fourmi de la police (dirigée par l’excellent Howard Da Silva), le comportement de la foule et des journalistes, et la manière dont Hathaway filme la ville, New York, à grands coups de plongées et de contre-plongées. C’est vrai que le sujet s’y prête particulièrement bien…
La séquence d’ouverture, totalement muette, est un monument de cinéma où la ville dévoile une architecture fascinante, dans un noir et blanc au grain magnifique. Un véritable tour de force aussi, par moments, l’essentiel de l’action se déroulant sur cette corniche large d’une trentaine de centimètres.
Hathaway n’y reste pas scotché, c’est vrai. Sa caméra, contrairement à son personnage principal, s’offre quelques distractions et passe du face-à-face central à plusieurs intrigues secondaires qui se nouent grâce au drame en cours : deux jeunes gens qui se rencontrent dans la foule massée au pied de l’immeuble, des chauffeurs de taxi qui tuent le temps comme ils peuvent, ou une jeune femme qui tente de se frayer un chemin pour se rendre chez son avocat…
Cette jeune femme, c’est une jeune débutante nommée Grace Kelly, déjà solaire. Au milieu de la foule, on ne voit que sa grâce et sa blondeur. Une vraie star en devenir, même si elle ne tient ici qu’un petit rôle. Pas de star ici, mais de solides acteurs formidables, et un cinéaste particulièrement inspiré, pour un film fort et émouvant.
* DVD dans la collection Hollywood Legends (Fox, ESC éditions), avec une image irréprochable. Et en bonus, une présentation courte mais passionnante par Jean-François Rauger, programmateur à la Cinémathèque française.
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