L’Homme de la plaine (The Man from Laramie) – d’Anthony Mann – 1955
Dernière collaboration entre Mann et Stewart, et encore un chef d’œuvre absolu. C’est le western dans ce qu’il peut avoir de plus grand, et de plus beau. Une utilisation merveilleuse du Cinemascope et des grands espaces naturels, une histoire de vengeance comme on s’y attend, et des personnages d’une complexité passionnante. Une merveille, quoi…
James Stewart est exactement comme on l’attend : tourmenté, mystérieux, rempli d’une colère qui ne demande qu’à exploser. Intense et habité, comme il l’était dans ses précédents westerns sous la direction de Mann. Mais si le vrai héros de ce film, c’était Arthur Kennedy, acteur magnifique qu’on aurait tort de trop vite catalogué comme le bad guy de cette histoire…
De tous les westerns de Mann, celui-ci est sans doute celui qui renvoie le plus clairement à ses débuts dans le film noir : Arthur Kennedy est ici un pur anti-héros de « noir », marqué par un destin contrariant, et dont chaque décision semble le précipiter vers les abîmes… Il y est le protégé d’un puissant propriétaire (Donald Crisp, toujours excellent) dont il rêve d’être le fils légitime. Mais cette place est déjà prise, par un jeune homme névrosé et agressif, qui l’entraîne dans son sillage. Malgré lui ?
Kennedy n’a rien du méchant habituel. Au contraire, il se dégage de ses scènes avec Stewart une belle camaraderie comme Mann les aime. Mais son personnage, comme plusieurs autres du film, semble victime d’un immense décalage entre ses aspirations et les réalités de la vie. Qu’il rêve de grandeur ou de liberté, chaque personnage est constamment ramené à ce qu’il est vraiment. Au fond, personne n’est vraiment ce qu’il dit, ou ce qu’il laisse voir. Un thème très « mannien ».
Le film est aussi très réussi dans sa manière d’aborder la violence. Dès l’attaque, sauvage et démesurée, de Stewart et de ses hommes au début du film, on sent parfaitement que la violence n’a rien de fun ou de réjouissant. Traîné dans la poussière, à travers les flammes, Stewart ne retourne pas la situation par un geste de bravoure. Quand on lui tire dans la main, sa souffrance et sa vulnérabilité sont clairement perceptibles. Et quand il a enfin l’occasion d’abattre celui qu’il recherche depuis si longtemps…
Ah non, laissons le mystère planer. Mais L’Homme de la plaine est un film majeur, complexe et admirablement tendu. Mann est grand.
* Blue ray dans la collection Western de Légende de Sidonis/Calysta, avec des présentations par Bertrand Tavernier et Patrick Brion.
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