Panique à Needle Park (The Panic in Needle Park) – de Jerry Schatzberg – 1971
30 ans, quasi-débutant au cinéma (on ne l’avait vu que dans l’obscur Me Nathalie deux ans plus tôt), mais déjà auréolé d’une belle réputation au théâtre, Al Pacino crevait l’écran avec ce rôle de junkie rencontrant l’amour à « Needle Park » (le parc de l’aiguille), quartier new-yorkais où se côtoient tous les drogués et tous les paumés de Big Apple.
A le voir ici, on comprend bien pourquoi Coppola va se battre pour l’imposer dans Le Parrain : charisme, force tranquille, douleur intérieure… Bobby est peut-être à mille lieues de Michael Corleone, mais sa manière d’aborder le rôle est bien là. Et ce naturel époustouflant qui permet à Pacino de jouer sur tous les registres dans un même mouvement. L’acteur absolu de ce Nouvel Hollywood qui commence.
Avec ce film, Schatzberg rompt radicalement avec la tradition hollywoodienne de la décennie précédente, en imposant un réalisme nouveau. C’est une fiction, bien sûr, mais on n’est pas loin du cinéma vérité. Tourné à « Needle Park », mettant en scène d’authentiques drogués (avec quelques gros plans de piquouzes difficilement supportables), parfois filmés à leur insu, Panique… est sans doute le premier film totalement convaincant sur la drogue et ses ravages, parce que c’est une authentique immersion qu’il nous propose.
Une immersion glauque, sans concession, et sans forcer la charge non plus. Les personnages que filme Schatzberg sont des paumés, aux errances pathétiques. Mais ce sont aussi des êtres attachants. Imaginer une vraie histoire d’amour au-milieu de ça n’y change rien : pour vivre avec Bobby, Helen (Kitty Winn, parfaitement en phase avec Pacino) devient addict, elle aussi.
La drogue qui devient une obsession de chaque instant, qui dévore tout… Sur l’affiche du film, en lettres plus grandes que le titre, il est écrit « God help Bobby and Helen ». Et c’est exactement ce que l’on ressent : cette envie que le destin les aide à sortir de cet engrenage. Le plus douloureux, ce sont les moments de lucidité teintée de rêve. Comme cette courte journée où les amoureux quittent le macadam, achètent un chien, jouent à une autre vie, et où Helen tente avec un désespoir mou de retarder le retour à la réalité. Déchirant.
* Le film rejoint Body Double et L’Année du Dragon dans la prestigieuse collection « coffret collector ultra limité », regroupant le blue ray, le DVD, de nombreux bonus, et surtout un formidable livre de 200 pages.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.