Les Affranchis (Goodfellas) – de Martin Scorsese – 1990
« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être gangster… » En une phrase culte, prononcée sur l’image arrêtée de son visage en gros plan, Ray Liotta rentre dans la légende. Acteur de second plan, vaguement remarqué dans Jusqu’au bout du rêve et quelques autres films, Liotta dévore l’écran dès cette séquence d’ouverture hallucinante, d’une violence et d’une brutalité sauvages.
Sa carrière par la suite n’atteindra jamais de tels sommets, mais Ray Liotta est un acteur formidable. Robert De Niro est magnifique, Joe Pesci est littéralement monstrueux… Mais c’est bien Liotta qui porte sur ses épaules ce monument indépassable de Scorsese, le sommet peut-être de sa filmographie, le film dans lequel le style du cinéaste atteint son apothéose, sa forme la plus parfaite et la plus radicale.
Il est de toutes les scènes, ou presque, Liotta, incarnant avec la même puissance la jeunesse superbe et « héroïque » et l’âge mur de la déchéance de Henry Hill, personnage réel dont l’histoire a inspiré le roman de Nicholas Pileggi : le destin entre gloire et amertume d’un mafieux devenu témoin sous protection.
De cette histoire vraie, Scorsese a tiré une sorte d’opéra filmé. Du cinéma total où tout est rythme et émotion. La bande son hallucinante, le montage explosif, les longs mouvements de caméra, la voix off inoubliable (celle de Liotta)… Tout atteint la perfection dans ce film : cet inouï plan-séquence présentant les « gueules » des mafieux, cette longue série de meurtres qui semble tous participer du même mouvement, les scènes consacrées aux horribles épouses trop maquillées et trop exubérantes…
Au cœur du film, il y a ce sentiment d’appartenance qui rend ces personnages curieusement attachants. Il y a aussi, et surtout, cette atmosphère d’une rare violence parfois latente, parfois explosive. La prestation de Joe Pesci contribue évidemment à rendre cette violence si inoubliable, lui qui emprunte le couteau de cuisine de sa mère (jouée par celle de Scorsese) pour achever l’une de ses victimes ; lui qui dessoude un jeune serveur qui l’a envoyé chier.
On le sent près à exploser à n’importe quel moment. D’où l’inoubliable et étouffante séquence de « Je te fais rire ? Je te fais rire comment ?… » face à un Ray Liotta ahuri. De Niro, lui, apporte sa stature comme un contrepoint presque sage, force pas si tranquille. Un grand trio d’acteurs en état de grâce. Un immense chef d’œuvre.
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