Tant qu’il y aura des hommes (From here to Eternity) – de Fred Zinnemann – 1953
Ah cette étreinte amoureuse balayée par les vagues ! Cette image de Deborah Kerr et Burt Lancaster s’enlaçant sur la plage est devenue l’une des icônes du 7ème art, au point d’avoir été parodiée plus d’une fois. Pourtant, dans cette scène, c’est tout ce qui précède qui continue aujourd’hui à troubler, ce désir apparent entre ces deux êtres qui tentent (mollement, quand même) d’y résister…
Visuellement, ce classique un peu surévalué a un intérêt limité. C’est filmé efficacement et avec un classicisme assez élégant, mais Zinnemann n’est ni John Ford, ni William Wellman, deux cinéastes qui ont su filmer les groupes masculins d’une manière autrement plus stimulante. Il manque à Zinnemann la flamme grâce à laquelle le cinéma de ses aînés n’a rien perdu de sa force.
Mais le scénario est formidable, partant d’une belle idée : faire se croiser les destins particuliers de personnages dans une base militaire de Pearl Harbor, quelques jours avant ce fameux 7 décembre. Ces personnages sont remarquablement dessinés, et surtout par des acteurs absolument formidables. Et parfois inattendus.
A l’image de Frank Sinatra, has-been à l’époque, qui s’est battu pour décrocher le rôle que personne ne voulait lui donner, et qui lui vaudra un Oscar du second rôle et une renaissance artistique qui relancera sa carrière. Il est bouleversant en chien fou qui se met à donner celui qu’il ne fallait pas : le gardien impitoyable d’une prison militaire dans laquelle il finira par être envoyé (Ernest Borgnine, sadique comme il sait l’être).
Montgomery Clift est parfait aussi, en soldat obstiné jusqu’à l’extrême. Lui que la méthode Actor’s Studio pousse parfois à surinterpréter les émotions trouve un rôle absolument parfait pour lui : un ancien boxeur bien décidé à ne par réagir aux brimades de ses camarades et de ses supérieurs qui veulent l’obliger à remonter sur lui.
Les seconds rôles sont tous parfaits (mention à Claude Akin, toujours impeccable même dans une apparition aussi modeste). Et les rôles de femmes sont particulièrement marquants, comme souvent chez Zinnemann (on se souvient bien sûr de Grace Kelly dans Le Train sifflera trois fois). Donna Reed est particulièrement émouvante, et Deborah Kerr d’une justesse exemplaire, femme digne et resplendissante dont le vernis craque rapidement. Et ce regard qu’elle porte à Burt Lancaster se déshabillant sur la plage vaut largement cette fameuse étreinte si souvent parodiée.
Lancaster, justement, dont je ne cesse de redécouvrir l’immense talent, en plus de son charisme impressionnant. Il est ici d’une grande justesse, et c’est lui qui donne constamment le ton du film : cette force tranquille qui s’en dégage, et ces fêlures qui affleurent. Pas sûr que Tant qu’il y aura des hommes aurait gardé cette place dans l’histoire sans sa présence…
* Le film fait partie de la collection blue ray « Very Classics » sortie chez Sony. Une belle édition avec un livret passionnant et joliment illustré.
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