Détective privé (Harper) – de Jack Smight – 1966
Il en fait des tonnes, Paul Newman, surjouant sa cool attitude, cette non-chalance travaillée qui fait son incroyable charme. D’un autre acteur, ce serait insupportable. Mais lui a cette classe folle et une ironie teintée d’autodérision qui emportent l’adhésion. Et tout spécialement dans ce film noir qui sonne très sixties, mais dont le scénario semble tiré d’une armoire laissée fermée pendant vingt ans…
Plus que l’intrigue gentiment tarabiscotée, ses faux-semblants et ses innombrables rebondissements, c’est cette impression que Jack Smight filme un scénario de la grande époque du noir qui fascine et séduit. Sur le papier, Harper, adaptation d’un roman de Ross MacDonald, aurait pu être une sorte de double du Grand Sommeil. A l’écran, le résultat est pourtant radicalement différent. Et dans cette différence, c’est toute l’évolution du cinéma de genre américain qui apparaît.
Pas forcément toujours pour le meilleur : il manque au film de Smight la suprême atmosphère de celui de Hawks. Mais la référence est flagrante, jusqu’à la participation de Lauren Bacall, flanquée d’une jeune femme un rien névrosée (sa belle-fille ici, et plus sa sœur). Quant à Newman, il est une sorte de version années 60 du privé à la Bogart. Donc très différent : filmé dans son terne quotidien (la scène d’ouverture), prêt à implorer sa femme (Janet Leigh) de ne pas le quitter, et passant le plus clair du film à se prendre des coups…
La comparaison pourrait être écrasante, mais Smight a l’intelligence de faire le film à sa manière. Avec un grand sens du rythme et de la dérision, et même une certaine élégance. A tel point qu’on aurait presque souhaiter voir Newman et Smight s’atteler réellement à un remake du Grand Sommeil. Un remake qui sera bel et bien réalisé quelques années plus tard, mais par un tâcheron et sans éclair de génie. Quant à Newman, il retrouvera le rôle de Harper neuf ans plus tard dans La Toile d’araignée qui, non, n’est pas le remake du film noir homonyme des années 50… avec Lauren Bacall.
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