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Archive pour avril, 2016

Le Dernier Métro – de François Truffaut – 1980

Posté : 8 avril, 2016 @ 8:00 dans 1980-1989, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

Le Dernier Métro

Dans son autobiographie (Histoire de ma vie), Jean Marais consacrait un chapitre à ses souvenirs de l’Occupation. Le rapport avec Truffaut ? C’est ce chapitre qui, semble-t-il, lui a inspiré ce qui allait devenir Le Dernier Métro, son plus gros succès populaire, son triomphe aux Césars aussi : dix statuettes récoltées.

Je gardais le souvenir d’un film ample et ambitieux, reconstituant joliment le Paris de l’Occupation. Tout ça est vrai, mais la reconstitution se limite quasi-exclusivement aux murs du théâtre où Marion Steiner répète sa nouvelle pièce événement, tandis que son metteur en scène de mari, juif allemand, a dû disparaître. La caméra ne sort de ces murs que pour explorer les abords de l’entrée des artistes, où un restaurant de comédiens. Jamais plus loin.

Pourtant, Le Dernier Métro fait partie de ces films qui ont su recréer l’atmosphère de ces années de menace perpétuelle. A l’époque, Truffaut était enfant, et trouvait refuge dans les salles de cinéma, où est née la passion qui dominera toute sa vie. Rien d’étonnant, donc, à ce que son Occupation soit vue d’une salle de spectacle.

Derrière le « film à Césars », il y a donc un film très personnel, dans lequel Truffaut semble constamment se citer lui-même, évoquant le trio amoureux de Jules et Jim, le travail de création de La Nuit Américaine… jusqu’à reprendre (trois fois) la magnifique réplique que Belmondo sortait à Catherine Deneuve dans La Sirène du Mississipi, cette fois reprise sur les planches par Depardieu à la même Deneuve…

« Tu es belle Héléna, si belle que te regarder est une souffrance.
- Hier, tu disais que c’était une joie.
- C’est une joie, et une souffrance. »

Pourtant, Truffaut s’inspire si ce n’est de faits authentiques, au moins de personnages bien réels. A commencer par l’ignoble journaliste Daxiat (Jean-Louis Richard), tout puissant critique théâtral et grand pourfendeur des Juifs, directement inspiré du collaborateur Alain Laubreaux qui écrivait sous le pseudonyme de Michel Daxiat.

Portrait de Français sous l’Occupation, dénonciation de la médiocrité, cri d’amour à la création artistique (quelle vie dans ce théâtre !)… Le Dernier Métro est aussi, et peut-être avant tout, l’histoire d’une femme mariée qui tombe amoureuse d’un autre homme, mais que les circonstances interdisent de quitter son mari. Catherine Deneuve est absolument sublime dans ce rôle qui joue merveilleusement de son image glacée pour camper une femme trop isolée du monde. Magnifique.

X-Files, aux frontières du réel (The X-Files) – saison 10 – créée par Chris Carter – 2016

Posté : 7 avril, 2016 @ 8:00 dans 2010-2019, CARTER Chris, FANTASTIQUE/SF, MORGAN Darin, MORGAN Glen, TÉLÉVISION, WONG James, X-Files | Pas de commentaires »

X Files saison 10

Huit ans depuis le deuxième film, treize ans depuis la fin de la série, quinze depuis le départ de Mulder des affaires non-classées…Dire que les fans de la première heure (j’ai déjà dit que j’en étais ?) étaient excités à l’idée de retrouver le couple qui a révolutionné l’univers des séries télé est un doux euphémisme. Rien que pour ça, pour cette attente fébrile du fan depuis la toute première rumeur de retour, cette dizième saison méritait d’exister.

Maintenant qu’elle est là, maintenant qu’elle a été vue, le verdict est pour le moins mitigé. Ce retour était-il mérité ? Oui, sans hésitation : retrouver Scully et Mulder, renouer avec le sous-sol du FBI, rouvrir les X-Files… Tout ça a évidemment un arrière-goût de madeleine, mais pas seulement : cette saison est plus qu’un simple prolongement.

Il y a le temps qui est passé bien sûr. Mulder le dit lui-même (dans l’épisode 3) : il est désormais un homme d’âge mur. Physiquement, il a d’ailleurs bien changé. Son visage un peu empatté, un peu engoncé même, semble fatigué. Et cette fatigue apparente, après avoir fichu un petit coup au moral du fan de toujours, donne une profondeur supplémentaire au personnage.

Scully aussi a quinze ans de plus. Toujours superbe, mais terriblement grave cette fois, ne s’autorisant que quelques parenthèses plus légères (dans l’épisode 3 toujours, la caution humoristique de cette nouvelle saison). Et pour cause : le souvenir de William, cet enfant qu’elle a eu avec Mulder (mais comment ???), est omniprésent dans la première partie de la saison. Les faux souvenirs montrant les moments que Scully et Mulder auraient pu partager avec lui semblent d’ailleurs être l’unique raison d’être de Les Enfants du Chaos (épisode 2).

Ce sont en tout cas les plus beaux moments de l’épisode : ce premier loner, prévu pour être l’épisode 4 (l’ordre de diffusion ayant été changé au dernier moment) n’est par ailleurs guère convaincant. Inutilement complexe, cet épisode ouvre également bien des portes, qui ne mènent finalement pas bien loin. Scully et Mulder ont repris du service, mais tout cela paraît étrangement désincarné, et monté à la serpe.

Cette impression apparaît dès le début de l’épisode 1 (La Vérité est ailleurs 1ère partie). Ce bon vieux générique passé, et une fois assimilé le plaisir des retrouvailles, ce montage hyper-serré saute aux yeux et surprend. Et sa conséquence surtout : un rythme qui ne prend pas, et une atmosphère qui n’a jamais le temps de s’installer.

Drôle de sensation, vraiment, qui ne laisse que des spéculations : ces épisodes ont-ils été écrits et préparés à l’arrache ? Ou cette forme de mini-saison est-elle trop étriquée pour l’imagination et l’ambition de Chris Carter ? Six épisodes ne suffisent sans doute pas pour instaurer une nouvelle mythologie comme il le fait, développer les nouveaux rapports entre Scully et Mulder (qui ne sont plus en couple, à propos), et offrir une poignée de monstres de la semaine et un épisode décalé.

On sent bien que Carter a voulu à tout prix remplir son cahier des charges, quitte à faire tenir dans le seul premier épisode toutes les infos qu’il a en tête. « Back in the days », pour reprendre une expression qui reviendra souvent dans cette courte saison, cela aurait demandé au moins un double-épisode. Inimaginable dans une saison si courte. Mais plutôt que de faire des choix, Carter tranche. A la hache. D’où un sentiment très étrange.

Les idées lancées ne sont pas mauvaises, mais l’atmosphère qui a fait la légende de la série ne prend pas vraiment. Les scènes se succèdent à toute vitesse… mais sans rythme, rendant l’intrigue difficile à suivre, et les personnages parfois incompréhensibles. Du coup on se désintéresse un peu de la nouvelle mythologie, des doutes de Mulder, pour ne plus regarder que le couple qui n’en est plus un, les ravages du temps et des remords sur leurs regards…

Et que dire de la réouverture des X-Files, espérée depuis tant d’années par les fans, et expédiée par un simple texto de Skinner (de retour lui aussi), et par une simple phrase du Smoking Man (de retour d’entre les morts) qui renvoie à une époque bénie pour la série… Un retour officialisé dans l’épisode 2 par la voix de Skinner hors champs, rajoutée au montage pour faire raccord, lorsque l’ordre de diffusion a été modifié. Tout ça sonne un peu cheap…

Finalement, il faut attendre Rencontre d’un drôle de type (épisode 3) pour retrouver le vrai, grand plaisir d’X-Files. Cet épisode « décalé » n’atteint pas les sommets de Prométhée Post Modern (saison 5) ou Le Seigneur du Magma (saison 3). Et il y a là un petit côté « passage obligé » qui manque de naturel. Mais pourquoi bouder son plaisir : Mulder retrouve sa flamme, Scully sa présence et son regard, et l’alchimie entre eux-deux est bien de retour, lors d’une séquence de motel qui rappelle les premières heures de la série…

Et Darin Morgan (scénariste et réalisateur) réussit à nous surprendre alors qu’on pense connaître toutes les ficelles de la série, avec cette variation amusante sur le thème du loup-garou, critique rigolarde de l’espèce humaine. Duchovny, qui paraissait par moments un peu momifié jusqu’alors, renoue avec son humour et une autodérision toute personnelle, s’amusant de son âge, et de son rapport avec les nouvelles technologies. La course-poursuite avec smartphone est assez hilarante.

Pour continuer sur cette belle lancée, Esprit vengeur (épisode 4) est une merveille, écrite et réalisée par Glen Morgan (le frère du précédent, également scénariste et réalisateur). C’est le meilleur « monstre de la semaine » (une créature qui apparaît mystérieusement, écartèle ceux qui profitent des sans abris, et disparaît tout aussi mystérieusement), et à vrai dire le meilleur épisode de la saison. Et de loin.

Mais c’est aussi un épisode intime et bouleversant, qui confronte Scully à un nouveau drame familial, et évoque joliment le souvenir de William, le fils de Scully et Mulder, confié à une famille d’adoption dans la saison 9, et qui hante constamment cette saison 10 d’où toute innocence semble bannie.

La relation entre Scully et Mulder se retrouve également au centre de l’épisode. Désormais, c’est le poids des souvenirs qui est le ciment de cette relation, et plus l’hypothèse de ce qui pourrait advenir.

Babylon (épisode 5), écrit et réalisé par Chris Carter, est plein de bonnes idées… mais se révèle à la limite du nauséabond, avec cette manière inexcusable de traiter le terrorisme contemporain avec un mélange de gravité (un peu) et de dérision, évacuant en deux plans le thème du racisme quotidien à peine ébauché, et résumant l’intégrisme religieux assassin à « des gosses manipulées » qu’on ne peut pas accuser de tous les maux.

Aborder un tel sujet était courageux. Carter lui-même ne l’avait d’ailleurs pas eu à la fin de la série originelle, n’évoquant jamais le 11 septembre alors que la saison 9 s’est achevée en 2002. Mais il foire totalement cette séance de rattrapage, et de la pire des façons qui soit.

Si encore l’aspect paranormal était passionnant, mais non : il se résume à Mulder avalant des champignons hallucinogènes pour communiquer avec l’un des kamikazes qui a pu être maintenu en vie… D’où lui vient cette idée ? Et pourquoi ? Et comment ? Don’t ask me… Du grand n’importe quoi.

Cela dit, il y a quelques passages bien sympathiques, à condition de les isoler du contexte : Mulder sous acide, Duchovny retrouve sa cool attitude légendaire. Mais même là, Carter profite de cette occasion pour faire revenir les Lone Gunmen, le temps de quelques plans muets et sans grand intérêt. Totalement frustrant et agaçant.

Cet avant-dernier épisode introduit un jeune couple d’agents du FBI, sorte de copie-conforme en plus jeune (et nettement moins charismatique) de Scully et Mulder, qui semble devoir prendre de l’importance dans la série : ils joueront également un rôle majeur dans le dernier épisode, tout comme Tad O’Malley, le lanceur d’alerte grâce à qui Scully et Mulder sont revenus dans l’épisode 1. Et leur présence trop… présente a un effet pervers : nous priver des face-à-face entre Scully et Mulder, qui restent le meilleur atout de la série.

Dans l’ultime épisode (La Vérité est ailleurs, 2ème partie), Carter fait brièvement revenir Monica Reyes (Annabeth Gish), pas bien servie la pauvre. On aurait aimé la voir jouer un rôle plus central… Avec Doggett, grand absent de cette saison 10. On retrouve la même ambition et les mêmes défauts que dans l’épisode 1. La mythologie avance vite, trop vite, trop fort, trop loin. Si bien que jamais cette histoire de contamination mondiale et d’ADN alien ne passionne comme passionnait la mythologie originale, si complexe soit-elle.

Cette dizième saison est, et de loin, la plus faible de toutes. Globalement une vraie déception. Et pourtant, les portes ouvertes sont assez prometteuses, au bout du compte. Scully et Mulder ont encore beaucoup à (nous faire) vivre ensemble. Et ce cliffhanger de folie ne peut pas rester sans suite : finir là-dessus serait, pour le coup, absolument impardonnable.

* Voir aussi la saison 1, la saison 2, la saison 3, la saison 4, la saison 5, le premier film, la saison 6, la saison 7, la saison 8, la saison 9, le deuxième film et la saison 11.

Un + Une – de Claude Lelouch – 2015

Posté : 6 avril, 2016 @ 8:00 dans 2010-2019, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

Un + Une

Du Lelouch comme on l’aime. Dès les premiers plans, la caméra tourne autour d’un cameraman filmant autour de lui, dans de grandes envolées lyriques. Tout Lelouch est là, dans cette simple image : la grandiloquence pour certains, l’émotion à fleur d’images pour d’autres ; le cinéma et la vie qui se confondent, et une foi absolue dans la force des images.

Jusque dans le titre, énième variation sur le thème d’Un homme et une femme, et son éternelle ambition de filmer l’âme humaine, l’humanité dans son ensemble à travers le parcours de quelques individus. Lelouch a (toujours) une passion immense, une manière toute personnelle de s’enthousiasmer pour son sujet et son décor, un sens du cinéma unique… et un égo démesuré.

La grande différence ici, par rapport à la plupart de ses films, tient peut-être au personnage de Jean Dujardin, sorte de double cynique du cinéaste. Un homme de cinéma comme par hasard. Pas réalisateur, mais compositeur de film, et surtout collectionneur de femmes, amoureux de l’amour et de lui-même, qui sort des phrases comme « mon plus grand talent c’est le hasard » que seul Lelouch est capable de prononcer, et assume tous ses excès avec désinvolture.

Une sorte de caricature auto-assumée, donc, qui en rencontre un autre, son exact inverse : Elsa Zylberstein, femme d’ambassadeur (joué par Christophe Lambert, plutôt émouvant lorsqu’il ne parle pas), généreuse et spirituelle, du genre totalement intègre et tournée vers les autres. Entre ces deux-là, rien de commun, et pourtant. On est chez Lelouch, et le « film dans le film » s’appelle « Juliette et Roméo », alors tout est dit.

Ou presque. L’histoire se déroule en Inde, pays envoûtant, immense et spirituel. Jean + Elsa partent ensemble pour un long pèlerinage vers Amma, cette femme étonnamment charismatique qui enlace et câline des milliers de personnes chaque jour, pour panser les plaies de leurs âmes. Un pur personnage lelouchien, dont l’apparition va bouleverser tout le cinéma lelouchien.

Magnifiques scènes tournées parmi la foule immense qui vient à la rencontre d’Amma, et magnifiques regards des deux acteurs attendant leur tour, regards troublés que l’on devine non feints, en particulier celui de Dujardin qui, en quelques secondes, tombe le masque, et oublie cette superbe légèreté qui lui sert de façade.

C’est comme si Lelouch, soudain, décidait d’arrêter de faire du Lelouch, en plein film. Comme s’il avait compris que les sentiments les plus forts n’avaient pas besoin de grands mouvements de caméra ou de grande musique. La fin du film a ce petit goût des choses qui auraient pu être, ou qui pourraient encore être. L’émotion qui se dégage de ces scènes est immense…

* DVD chez Metropolitan, avec un beau (et court) making of, quelques entretiens avec l’équipe du film qui vante la méthode Lelouch, une poignée de scènes inédites, et des images en plus autour d’Amma.

L’Année du Dragon (Year of the Dragon) – de Michael Cimino – 1985

Posté : 5 avril, 2016 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, CIMINO Michael | Pas de commentaires »

L'Année du Dragon

Il a fallu cinq ans à Michael Cimino pour repasser derrière la caméra. L’échec de La Porte du Paradis a été tellement monumental que le génial cinéaste n’a réussi à faire aboutir qu’un film de genre : un polar qui s’inscrit dans la lignée du Parrain et de Chinatown, deux triomphes en leur temps. Un succès à peu près garanti, donc, qui aurait dû relancer la carrière de Cimino…

Sauf que les temps ont changé, et que ce changement est justement intervenu avec la catastrophe La Porte du Paradis. Le Nouvel Hollywood était enterré, les années 80 allaient entériner durablement l’ère des blockbusters, et la rupture entre cinéma populaire et cinéma d’auteur. Bref, L’Année du Dragon, jugé raciste par une partie de la critique (quelqu’un avait-il accusé Le Parrain d’être raciste ?), a été un nouvel échec cinglant. Totalement incompréhensible, celui-ci…

Car il s’agit bien là de l’un des polars (LE polar) les plus intenses de cette décennie, un chef d’œuvre que le temps a fini par consacrer comme l’un des sommets du genre. Trop tard pour Cimino hélas, qui n’atteindra plus jamais une telle perfection. Pas plus que Mickey Rourke d’ailleurs, qui avait fait une petite apparition dans La Porte… (il était l’un des comparses de Christopher Walken dans sa cabane paumée), et qui est ici à l’apogée de sa carrière.

L’intensité de son interprétation était indispensable à la réussite de l’entreprise, tant le ton, le rythme, et le jusqu’au-boutisme du film reposent sur son personnage de flic prêt à aller au bout de ses obsessions, quitte à tout perdre. Le flic solitaire en butte à la corruption généralisée… On a souvent vu ça au cinéma, mais rarement avec un tel sentiment de violence et de menace perpétuelles.

Tout fleure le danger dans ce Chinatown plein d’inconnu : les bureaux luxueux des hommes d’affaires qui n’ont de respectable que l’apparence, les caves inondées d’obscurs restaurants, ou même dans la beauté troublante de la journaliste, sorte de miroir de celle, inquiétante, de John Lone, révélation du film en jeune parrain des triades.

Et lorsque la violence éclate, elle semble toujours venir de nulle part, irruption de l’horreur dans le quotidien le plus confortable : celui d’un restaurant chaleureux ou celui du refuge familial, si fragile soit-il. Dans sa manière de traiter la violence et ses effets, L’Année du Dragon semble clairement conclure une trilogie magnifique, commencée avec Voyage au bout de l’enfer. Le grand œuvre de Cimino.

* Une préface de Jean-Baptiste Thoret, un long entretien audio avec Cimino, et surtout un passionnant livre proposant le scénario original (co-écrit avec Oliver Stone), une analyse du film et plusieurs entretiens réalisés à l’époque de la sortie… C’est ce que propose le luxueux coffret Blue ray/DVD « Ultra collector » édité chez Carlotta, le deuxième de cette collection de prestige après Body Double de Brian De Palma.

X-Files : Régénération (The X-Files : I want to believe) – de Chris Carter – 2008

Posté : 4 avril, 2016 @ 8:00 dans 2000-2009, CARTER Chris, FANTASTIQUE/SF, X-Files | Pas de commentaires »

X Files Regeneration

De ce second film, sorti six ans après la fin de la série originelle, j’avais surtout gardé l’excitation qui avait entouré le tournage, et la grande déception partagée par à peu près tout le monde à la sortie du cinéma. Plutôt que de prolonger la mythologie pourtant pleine de promesses, Chris Carter avait choisi de nous livrer un loner de luxe, qui ne répondait en rien aux questions en suspens. Un loner par ailleurs loin d’être inoubliable.

A l’époque, on lui pardonnait tout de même, en se disant que ce film n’avait pas d’autre ambition que de rappeler Scully et Mulder au bon souvenir de leurs fans, et que Carter comptait sur le succès de cette modeste production (le premier film, tourné à l’apogée de la série, bénéficiait de moyens nettement plus importants) pour convaincre les studios de lancer un troisième film plus ambitieux en 2012, date clé depuis le dernier épisode de la saison 9. Sauf que le film a déçu les fans sans convaincre les néophytes, et qu’il est du coup tout juste rentrée dans ses frais. Depuis, donc, plus rien, jusqu’à cette fameuse annonce de début 2015.

Sans doute en attendait-on trop en 2008. Parce qu’à le revoir aujourd’hui, I want to believe révèle des qualités qui nous avaient échappées jusqu’à présent. Visuellement déjà, le film est une réussite, une mise en scène particulièrement soignée et une belle lumière qui privilégie les séquences nocturnes et enneigées, renouant avec l’esprit de la série, et de Fight the future. Sur ce plan au moins, le film est à la hauteur.

Quant au sujet choisi, il est particulièrement audacieux, associant les visions d’un ancien prêtre pédophile et les crimes d’un hallucinant docteur Frankenstein. Too much par moments, et le laboratoire des horreurs va tellement loin en restant tellement « premier degré » qu’une petite gène s’installe lors du « climax » de l’intrigue. Mais Carter réussit à créer une atmosphère dérangeante qui rappelle Le Silence des Agneaux, la référence première de X-Files, à la fois dans sa manière de créer le suspense (la scène d’ouverture est particulièrement prenante) et de mettre en scène le personnage du prêtre interprété par Billy Connolly.

Mais ce qu’on attendait surtout, c’est l’évolution du couple Scully-Mulder. Et là, à une réserve près (la tirade incompréhensible et grotesque de Scully sur la soeur de Mulder et l’éternelle quête de ce dernier ; quête qui, rappelons le, a trouvé sa résolution), la réussite est totale. Scully tiraillée entre ses nouvelles responsabilités de médecin, Mulder à moitié dépressif loin des affaires non-classées… C’est un couple en crise qui nous revient, jusqu’à l’ultime scène, assez magique.

* Voir aussi la saison 1, la saison 2, la saison 3, la saison 4, la saison 5, le premier film, la saison 6, la saison 7, la saison 8, la saison 9, la saison 10 et la saison 11.

L’Ange ivre (Yoidore tenshi) – d’Akira Kurosawa – 1948

Posté : 3 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1940-1949, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

L'Ange ivre

Une nuit brûlante dans un quartier misérable de Tokyo. Un jeune homme arrive chez un médecin pour se faire soigner sa main blessée. C’est le caïd du quartier, l’arrogance de la jeunesse, la fierté mal placée, qui apprendra qu’il est malade de la tuberculose. Face à lui, un toubib vieillissant et crasseux, qui semble en avoir trop vu pour accepter ces codes d’honneur d’un autre temps qui ont conduit le pays à sa déchéance.

La scène se déroule dans une pièce à l’éclairage vif. Les personnages sont en sueurs, la porte et les fenêtres sont ouvertes et laissent entrer des accords de guitare, et on sent constamment l’omniprésence de cette misère qui est le quotidien dans ce quartier. A porté de mains presque, au centre de ce microcosme, une marre, puante et menaçante, où tous les déchets sont jetés…

En une simple séquence, dans un décor quasi-théâtral, Akira Kurosawa crée une extraordinaire atmosphère. Pas besoin de grands discours, ou de longues scènes démonstratives : ce simple décor, et la colère à fleur de peau du médecin et du jeune caïd suffisent pour évoquer ce Japon d’après-guerre, coincé dans ce cloaque par des réflexes ancestraux.

Film noir, drame humain… L’Ange ivre est souvent considéré comme le premier chef d’œuvre de Kurosawa. C’est en tout cas une merveille absolue, fascinant mélange d’expressionnisme et de réalisme: les jeux d’ombres contrastés contribuent à créer cette atmosphère fascinante, tandis que des séquences diurnes à la lumière aveuglante renvoient à une réalité sociale bien plus cruelle, avec ces gamins qui tuent le temps en jouant autour de cette marre dont la pollution rappelle le traumatisme nucléaire.

L’utilisation de la musique aussi est fascinante, avec ces airs de guitare qui annoncent l’arrivée d’un élément perturbateur, un ancien caïd tout droit sorti de prison qui vient rompre le fragile équilibre de ce quartier sans avenir. Les personnages naviguent entre la nostalgies de rêves déçus, et de vains espoirs de départ, ou se réfugient derrière des frusques de caïds qui ont tout de l’accessoire de films hollywoodiens. Mais tous paraissent prisonniers de leur environnement.

C’est aussi le premier film dans lequel Kurosawa dirige Toshiro Mifune, qui sera son acteur fétiche presque systématique jusqu’en 1965. Quasi débutant (c’est son troisième film), Mifune impose une présence magnétique à son personnage de caïd dont l’arrogance dissimule mal les blessures enfantines encore présentes. Ses rencontres avec le médecin interprété par un extraordinaire Takashi Shimura sont superbes.

Kurosawa filme leurs face-à-face comme des joutes, presque des combats de chiens. Tous deux se tournent autour, se reniflent et finissent par aboyer et se jeter sur l’autre, dans un éternel recommencement. Attirés l’un par l’autre comme si chacun était l’unique espoir de l’autre, tellement différents, et finalement tellement semblables, qu’ils se renvoient un reflet de leurs propres échecs.

Cet affrontement devient carrément génial lors d’une scène de bar, lorsque leur attirance et leur colère passe par de petits verres d’alcools qui ne cessent d’être balancés d’un revers de main, avant de revenir aussi sec. Un ballet aussi étrange que magnifique, qui en dit beaucoup sur leur incapacité à simplement se laisser aller.

L’immobilisme, le destin, la colère… Tous ces sentiments se dégagent de L’Ange ivre, film superbe à tous points de vue, et convergent lors d’une hallucinante séquence de duel, à la fois brutale et grotesque. Jusqu’à cette petite note d’espoir qui, in extremis, nous tire un petit sourire. Magnifique…

* DVD dans une très belle édition avec livre (passionnant et superbement illustré), documentaire sur Kurosawa et analyse du film par Jean Douchet, chez Wild Side Vidéo. L’éditeur consacre toute une collection aux « Années Toho » de Kurosawa.

A bout portant (The Killers) – de Don Siegel – 1964

Posté : 2 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, SIEGEL Don | Pas de commentaires »

A bout portant

Pour Don Siegel, The Killers marque en quelque sorte le début de l’âge d’or: une quinzaine d’années au cours desquelles le cinéaste s’imposera pour de bon comme un auteur à part entière, avec des polars violents au réalisme souvent presque documentaire, où la frontière entre le bien et le mal prendra des allures nettement plus troubles que dans le cinéma hollywoodien classique.

Ce nouveau départ a quelque chose d’ironique pour Siegel, qui fut pressenti en 1946 pour réaliser la première adaptation de la nouvelle d’Hemingway. Cette année-là, le réalisateur signe son premier long métrage, The Verdict. Quant à la première version de The Killers, finalement réalisée par Robert Siodmak, elle fait partie de la légende du film noir. Passer après un tel classique avait tout de la fausse bonne idée. Surtout que A bout portant s’apparente finalement moins à une nouvelle adaptation de la nouvelle que d’un remake des Tueurs, dont il reprend la trame générale.

Et pour cause : la nouvelle, un court texte de dix pages, ne racontait que le meurtre par deux tueurs d’un homme résigné à mourir, et la discussion qui s’en suit dans son entourage. Un texte génial, mais qui au cinéma se résume à une simple séquence… Le film de Siodmak s’ouvrait avec cette séquence, un enquêteur remontant ensuite le cours des événements pour comprendre qui était la victime, et ce qui a conduit à ce meurtre. Presque vingt ans plus tard, le film de Siegel reprend la même construction sous forme d’enquête avec flash-backs, avec braquage qui tourne au drame et femme fatale autour de laquelle rôde la mort. Mais la comparaison s’arrête à peu près là.

The Killers version 64 regorge d’idées géniales. Dès la première séquence de meurtre : loin du bar nocturne à la Edward Hopper de 46, Siegel ouvre le rideau sur un institut pour aveugles où tout se passe en pleine lumière. Et avec des tueurs aux antipodes des figures archétypales du premier film : Lee Marvin et Clu Galager, dans une curieuse relation maître-élève pleine de tendresse, n’ont pas d’état d’âme, pratiquant la violence avec un sadisme d’autant plus dérangeant qu’elle s’appelle souvent à des êtres en situation d’infériorité. Mais ils ont une profondeur inattendue, et des interrogations existentielles.

Pourquoi cet homme s’est-il laissé tuer au lieu de chercher à fuir ? C’est la question que se pose Charlie, le tueur vieillissant qu’incarne Lee Marvin avec une sobriété exemplaire. Et c’est peut-être la plus grande idée du film : avoir fait de cette question le moteur de l’action. Désormais, ce n’est plus un enquêteur, mais les tueurs eux-mêmes qui remontent le fil de l’histoire…

Cette histoire est celle de Johnny North (John Cassavetes, parfait), coureur automobile entraîné dans un braquage avec la belle Angie Dickinson, dont on se demande si elle est juste trop belle et trop faible ou si c’est la reine des salopes, et son riche « protecteur » Ronald Reagan, dans son dernier rôle au cinéma (son seul méchant, et quel méchant !). Mais on connaît le destin du Suédois, incarné par Burt Lancaster en 46. Celui-ci est de la même veine. Non, ce qui fascine surtout, c’est l’obsession de Lee Marvin, de ce tueur entouré par la mort et taraudé par l’idée qu’on puisse l’accepter si facilement…

Loin des cabotinages dans lesquels il est parfois tombés, Marvin a rarement été aussi intense et troublant que dans The Killers. Siegel, il est vrai, soigne particulièrement ses acteurs ici, offrant à chacun, jusqu’au plus petit second rôle, des moments mémorables. Seymour Cassel réussit ainsi à exister en une unique scène anodine et sans dialogue. Et Claude Akins surtout, trouve l’un de ses plus beaux rôles, très émouvant en mécano brut de coffrage qui fend l’armure, peut-être le seul personnage à ne jamais perdre son humanité.

Et visuellement, le film est aussi une splendeur. Il y a le rythme absolument parfait que donne Siegel, et il y a la rupture radicale avec l’esthétique néo-expressionniste du film de Siodmak, ce noir et blanc contrasté et fascinant qui tirait le film vers le mythe. Ici, la lumière est vive et les couleurs chaudes. Pas de zones d’ombres, mais des plans soudains désaxés pour annoncer la violence, une violence crue et brutale, qui n’a plus rien de romantique.

En avance sur le Nouvel Hollywood, ce noir-là va influencer plus d’un polar dans les quinze ans à venir. Malgré tout, il reste l’une des plus grandes réussites du genre, qui n’a rien perdu de sa puissance et de son pouvoir de fascination. Un chef d’œuvre, oui, qui n’a rien à envier au classique de Siodmak.

Ton heure a sonné (Coroner Creek) – de Ray Enright – 1948

Posté : 1 avril, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, ENRIGHT Ray, WESTERNS | Pas de commentaires »

Ton heure a sonné

Randolph Scott traquant inlassablement l’homme responsable de la mort de sa fiancée, 18 mois plus tôt… Voilà un argument que n’aurait pas renié Budd Boetticher, futur réalisateur fétiche de Scott. Une décennie avant leur collaboration, ce western signé Ray Enright pose en quelques sortes les bases de ce que sera le personnage de l’acteur dans les années à venir : chez Boetticher, donc, mais aussi chez Andre De Toth avant ça.

Coroner Creek n’a sans doute pas la fulgurance des chefs d’oeuvre qu’enchaînera Scott à la fin de sa carrière. Tourné avec un procédé « Cinecolor » un peu pisseux, le film a un aspect très modeste la plupart du temps, Enright se contentant de faire le job, plutôt bien mais sans éclat. La plupart du temps…

Sauf que dans ce décor westernien assez confortable, bercé par une petite musique qui semble dire que le cinéaste ne prend pas tout ça très au sérieux, Enright nous assène des éclats de violence sidérants, et quelques trouvailles visuelles qui, tout à coup, bousculent le spectateur et le sort de sa légère léthargie…

Pas de grande effusion de sang à l’écran, ni d’images insupportables. Enright préfère jouer sur les ellipses, et ce dès la séquence d’ouverture, tuerie d’autant plus sauvage qu’on ne peut que la deviner à travers le visage trop calme d’une jeune femme dont on apprendra bientôt le terrible sort auquel elle a été confrontée.

Les scènes de violence ont toutes cette force sidérante, cette volonté du cinéaste de nous bousculer : Scott, la main broyée, qui réserve froidement le même sort à celui qui l’a mutilé ; le même Scott riant de voir son adversaire se brûler la main avec une poêle bouillante ; ou Scott, toujours, se servant d’un homme de main comme d’une protection contre le grand méchant, joué par George MacReady, qui vide son chargeur sur lui.

Ce cynisme, voire ce sadisme, est d’autant plus marquant qu’il survient dans un long métrage par ailleurs très sage, même si Enright ose y filmer un personnage de femme alcoolique, ce qui n’est pas si courant dans le cinéma hollywoodien de cette époque, spécialement dans le western.

Enright a-t-il volontairement soigné ce contraste à l’intérieur de son film ? Ou ne s’est-il simplement intéressé qu’aux séquences de violence ? Toujours est-il que, si bons soient les seconds rôles (Edgar Buchanan, Wallace Ford, Forrest Tucker… que du bon), et si malin soit le scénario, c’est bien cette violence que l’on retient, notamment celle de l’affrontement final, impressionnant concentré de trouvailles visuelles, fait de plongées et de contre-plongées, avec des points de vue et des hors champs inattendus, et une formidable utilisation du décor et des objets. Un petit chef d’œuvre à elle toute seule, cette scène…

* Le film est entrée dans la collection DVD « Westerns de légende » de Sidonis/Calysta, avec une courte présentation par Patrick Brion, et une autre beaucoup plus intime par Bertrand Tavernier.

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