Les Professionnels (The Professionals) – de Richard Brooks – 1966
Dans la riche filmographie de Richard Brooks, cinéaste génial et engagé, Les Professionnels peut sembler bien anecdotique : un « simple » western construit sur le modèle déjà éculé des Sept mercenaires, soit quatre fines gâchettes engagées par un riche propriétaire pour retrouver sa femme, enlevée par un révolutionnaire mexicain…
Tourné après l’échec de Lord Jim, le film répond en effet à une volonté de Brooks de reprendre la main. En partie en tout cas, parce que le cinéaste n’abandonne pas ses ambitions pour autant. De ce film d’action fun et explosif, il tire en effet une réflexion un rien désenchantée sur la frontière entre le bien et le mal, filmant des personnages qui n’ont rien d’univoques, ou le manichéisme n’a pas sa place.
Le film fut un triomphe à sa sortie en salles. Un demi-siècle plus tard, il paraît étrangement moderne. Bien plus en tout cas que la plupart des westerns tournés durant cette période de déclin du genre et qui tentaient à tout prix d’être dans l’air du temps. Brooks, lui, réussit ce prodige de raconter son histoire le plus simplement du monde, avec une suprême élégance et une immense efficacité, tout en proposant une étude complexe et passionnante du genre humain, tiraillé entre convictions et intérêts personnels. Un vrai film politique…
Et puis il y a ce casting, fabuleux. L’un des plus excitants de toute la décennie sans aucun doute. Lee Marvin en tête d’affiche, sobre encore (dans son jeu en tout cas, paraît que sur le tournage, ce n’était pas souvent le cas…) et d’une intensité incroyable. Burt Lancaster surtout, acteur décidément formidable qui révèle ici une humilité rare, acceptant de passer au second plan pour le bien du film. Woody Strode encore, acteur fordien comme souvent peu bavard, mais dont la silhouette taillée à la serpe impressionne toujours. Robert Ryan enfin, acteur que je soupçonne incapable d’être mauvais, voire juste passable, excellent malgré un rôle très en retrait.
Et l’apparition tardive mais miraculeuse de Claudia Cardinale (des retrouvailles pour elle et Lancaster, après Le Guépard), d’une beauté à couper le souffle. Le couple qu’elle forme avec Jack Palance, méchant très relatif, constitue l’une des raisons de voir et revoir ce western majeur, l’un des meilleurs de la décennie.
* Blue ray dans la belle collection Very Classics de Sony, avec un livret passionnant et joliment illustré, et quelques bonus intéressants.
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