Marqué au fer rouge (Ride beyond vengeance) – de Bernard MacEveety – 1966
Le film s’ouvre par une image classique, presque stéréotypée du western : un gros plan sur un panneau de bois balayé par le vent, indiquant le nom d’une ville et le nombre de ses habitants. Mais la caméra s’élève légèrement et dévoile la rue, certes poussiéreuse, mais occupée par des voitures tout ce qu’il y a de modernes…
Étrange ouverture, que ce prologue dont le personnage principal est un agent recenseur (James MacArthur, l’un des comparses de Steve Everett dans la série Hawaii, Police d’Etat) à qui un barman raconte la violente histoire d’un homme dont le destin, plus de soixante ans plus tôt, a marqué la ville.
Cette construction en flash-back est d’autant plus curieuse qu’aucun témoin direct des événements qui font le cœur du film n’est présent dans ce prologue. Qui plus est, un autre flash back dans le flash back principal viendra complexifier encore cette construction. Étonnant, donc, mais pas si vain que ça : il y a dans cette manière de passer d’une époque à l’autre quelque chose qui renvoie au temps qui passe, et au poids de nos décisions.
C’est bien le thème de ce film porté par un Chuck Connors qui, à défaut d’être un grand acteur, est une incarnation assez fascinante du temps qui passe, gueule de brute sur un regard d’enfant qui cherche juste à rentrer « chez lui ». Un homme qui, après onze ans d’absence, revient rattraper le temps perdu avec sa femme qui le croit mort et qui ne le reconnaît pas lorsqu’elle se trouve face à lui, sorte de fantôme brisé par les événements que n’aurait pas renié Clint Eastwood.
Sorti en pleine gloire du spaghetti (c’est l’année de Le Bon, la brute et le truand), Marqué au fer rouge a bien quelque chose du western italien : la gueule barbue de Connors, le côté taiseux du personnage, et cette approche brutale et frontale de la violence (le marquage au fer rouge, la folie de Bill Bixby…).
Mais l’obscur Bernard Mac Eveety ne tombe pas non plus dans le copié-collé : la (chouette) chanson-thème est pour le coup totalement dans la tradition américaine, et les personnages sont nettement plus complexes que dans le western européen. L’impeccable Michael Rennie est ainsi un méchant très relatif qui prive Chuck Connors de sa soif de vengeance en adoptant un profil bas, ce qui nous offre au passage la scène la plus remarquable du film.
Même une brute aussi indéfendable que Claude Akins (décidément formidable dans la veulerie) évite la caricature, en flirtant très étroitement avec la folie lors de discussions étonnantes avec un partenaire imaginaire. Quant à Kathryn Hays, l’épouse perdue, tiraillée entre deux hommes, elle est parfaitement juste. La grande Gloria Grahame, elle, n’a hélas droit qu’à deux scènes pour tenter de faire vivre un personnage complexe et fascinant, mais quelque peu sacrifié.
Bernard MacEveety n’est pas un cinéaste au style fulgurant, et n’évite pas les tics visuels classiques de ces années-là, inspirés par la télévision. Mais il nous offre tout quelques plans percutants comme celui de Chuck Connors avançant droit vers sa vengeance, face caméra. Une présence animale assez impressionnante qui fait beaucoup pour la rudesse que dégage le film.
* DVD dans la collection « Westerns de Légende » de Sidonis/Calysta, avec une présentation pas vraiment enthousiaste de Patrick Brion, et le petit documentaire consacré au genre que les DVD de cette collection par ailleurs indispensable proposent régulièrement.
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