Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour février, 2016

Les Rubis du prince birman (Escape to Burma) – d’Allan Dwan – 1955

Posté : 12 février, 2016 @ 8:00 dans 1950-1959, DWAN Allan, RYAN Robert, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Les Rubis du prince birman

Deux grands acteurs (Barbara Stanwick et Robert Ryan), un grand réalisateur (Dwan), un grand chef opérateur (John Alton)… et tout ce petit monde qui s’offre une petite récréation tout juste sympathique. De dix films tournés par Dwan avec le réalisateur Benedict Bogeaus, celui-ci est loin d’être le plus mémorable. Loin, très loin même, de Silver Lode, Slightly Scarlet ou Tennessee’s Partner (tous les trois avec John Payne).

Dwan a souvent transcendé son manque de moyens grâce à son inventivité et son immense talent de cinéaste. Là, quand même, on se dit à plusieurs reprises qu’il se fout un peu du monde, avec ses décors de carton pâte (une porte en métal qui plie comme du carton, un rocher qui semble flotter dans l’eau) et ses extérieurs censés se dérouler dans la forêt birmane, et qui ont sans doute été tournés dans un jardin d’acclimatation…

Tout ça est un peu cheap, et personne ne semble réellement croire au sujet : un Américain accusé d’avoir tué le fils du Sawbwa (sais pas ce que ça veut dire, mais c’est le grand manitou de la région, qui a droit de vie et de mort sur ses sujets), qui se réfugie dans un élevage d’éléphants tenu par une femme au caractère bien trempé…

Dans les premières minutes, il n’y a pas grand-chose pour sauver cette série B pas très inventive. Mais le film prend soudain une dimension inattendue lors de la rencontre de ses deux stars. Stanwick et Ryan se découvrent pour la première fois. Sans un mot, grâce à de longs gros plans sur leurs visages respectifs, Dwan met en valeur le désir qui attire ces deux-là comme des aimants.

Il y a comme ça, tout au long du film, quelques brusques coups de génie qui éclairent le film et le sortent de son côté plan-plan pas bien passionnant. Un face-à-face viril entre un policier et un éléphant, le regard bouleversant de Ryan (décidément un grand) qui se résigne à affronter son destin pour ne pas causer la perte de celle qu’il aime. Mais ce qu’il y a de plus beau, ce sont les scènes de nuit, nombreuses et toutes baignées d’une lumière différente. Là, le génie de John Alton se révèle, dans sa manière de créer une atmosphère grâce à un orage qui gronde, ou à une brume bleutée.

C’est grâce à ces petits moments que le film procure un authentique plaisir. Un peu discontinu, mais bien réel.

* Le film fait partie de l’indispensable coffret Allan Dwan édité chez Carlotta il y a quelques années, avec 7 films produits par Benedict Bogeaus entre 1954 et 1956, et accompagnés de passionnants bonus.

Le Pénitencier du Colorado (Canon City) – de Crane Wilbur – 1948

Posté : 11 février, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, WILBUR Crane | Pas de commentaires »

Le Pénitencier du Colorado

Voilà un petit film noir qui pousse à l’extrême la logique alors très en vogue de la mise en valeur des administrations américaines. Sur le principe, on a eu droit à quelques petits bijoux, signés notamment Anthony Mann (T-Men, He walked by night…). Sans atteindre ces sommets, ce film méconnu de Crane Wilbur (quasiment inconnu pour moi : juste vu un sympathique court métrage, Swingtime in the movies) relève de la même ambition, et ne manque pas de qualités. Ce qui n’est sans doute pas un hasard : Wilbur est l’un des scénaristes de He walked by night, sorti la même année.

Il y a un autre point commun avec les films d’Anthony Mann : le chef opérateur, John Alton, qui met joliment à profit l’omniprésence des ombres dans la prison, et surtout l’aspect inquiétant et étouffant de la neige après l’évasion. Wilbur, cependant, n’est pas Mann. Et s’il fait le job en assurant une belle tension, il manque ce petit quelque chose qui sortirait le film de l’anonymat.

Le concept même du film représente sa principale limite : en voulant rester le plus possible du côté du réalisme, en filmant presque cliniquement les préparatifs de l’évasion, l’évasion elle-même, et surtout la traque qui s’ensuit, Wilbur se prive le plus souvent d’un grand enjeu dramatique. Sans doute le film aurait-il gagné à se concentrer davantage sur un seul évadé, le plus intéressant : celui joué par Scott Brady, condamné à vie et entraîné malgré lui dans l’évasion, alors qu’il s’accrochait à un très hypothèque espoir de libération, un jour ou l’autr…

Le film alterne le très bon (beaux rôles d’héroïnes donnés à deux vieilles dames, qui donnent lieu à deux superbes scènes de suspense) et l’agaçant, comme cette voix off trop présente et trop didactique qui se met à dialoguer avec les personnages. Des personnages dont on nous assure que certains sont joués par les ceux qui ont réellement pris part à cette chasse à l’homme, comme le chef du pénitencier, qui joue (pas mal d’ailleurs) son propre rôle.

Parce que le générique nous le dit longuement : le film est inspiré d’une histoire vraie, et tout ce qu’on voit est absolument conforme à la réalité. C’est quand le film s’évade de ce cinéma-vérité revendiqué qu’il est le plus passionnant. Quand Wilbur s’autorise à dramatiser son récit. C’est surtout le cas lorsque les évadés rencontrent des habitants et qu’entre eux se nouent des liens parfois inattendus. Là, le cinéma prend le pas sur le documentaire, et le film prend toute sa valeur.

* Plutôt habitué au cinéma bis européen, l’éditeur Artus inaugure une collection « Grands classiques du film noir » avec cette rareté, dans une version loin d’être impeccable mais tout à fait acceptable. Pas d’autre bonus qu’une bande annonce d’époque et quelques photos.

X-Files, aux frontières du réel (The X-Files) – saison 6 – créée par Chris Carter – 1998-1999

Posté : 10 février, 2016 @ 8:00 dans 1990-1999, BOWMAN Rob, CARTER Chris, DUCHOVNY David, FANTASTIQUE/SF, MANNERS Kim, MARKLE Peter, SACKHEIM Daniel, SPICER Bryan, TÉLÉVISION, WATKINS Michael, X-Files | Pas de commentaires »

X-Files saison 6

Encore une saison formidable, qui réussit l’exploit de se renouveler constamment. On sent d’ailleurs chez Chris Carter la volonté de trouver d’autres voies, et de se débarrasser de cette conspiration dont il avait à peu près fait le tour (bien deux ou trois fois, à vrai dire…), et à laquelle il apporte une conclusion dramatique et passionnante dans le diptyque Toute la Vérité (épisodes 11 et 12), au cœur de cette saison 6.

Avant ce double-épisode pivot, la mythologie n’est là qu’en pointillé (à l’exception de l’épisode 1, Le Commencement, qui annonce les ambitions de nouveau départ de Carter, après la parenthèse spectaculaire du film Fight the Future, sorti en salles entre les diffusions des saison 5 et 6). Et pour cause : si les affaires non-classées ont rouvert à la fin du film, Mulder et Scully n’y sont toujours pas réaffectés.

C’est la grande idée de cette première moitié de saison, qui utilise assez formidablement cette situation (pas tout à fait inédite : Carter nous avait déjà fait le coup à la fin de la saison 1, mais avec un traitement radicalement différent). Il semble que les scénaristes se soient livrés à un petit jeu : trouver la manière la plus originale d’amener Mulder et Scully à côtoyer le paranormal. Loin de se répéter, chaque épisode rivalise d’imagination, souvent sur le ton de la dérision ou du deuxième degré.

Dans le genre, on a droit à quelques chefs d’oeuvre absolus, à commencer par Triangle bien sûr (épisode 3), brillant chassé-croisé à travers le temps… et premier baiser entre Mulder et Scully. Enfin presque Scully. La baffe qui suit, elle, est bien authentique, cela dit. En s’emparant du mythe du triangle des Bermudes, cet épisode atteint des sommets, et renoue avec un thème déjà abordé dans le très beau Le Pré où je suis mort, dans la saison 4.

Les Amants maudits (épisode 6), conte de Noël macabre et hilarant, avec Edward Asner et Lily Tomlin, est également une réussite totale, aussi drôle et touchante que Le Roi de la pluie (épisode 8) et sa romance météorologique. Très drôle aussi (mais pas que), le diptyque Zone 51 (épisodes 4 et 5), dont le titre et la première scène laissent penser qu’il s’agit du retour de la mythologie. Mulder et un membre obscur de la conspiration y change de corps sans que personne ne s’en rende compte, pas même Scully, ni la femme et les enfants que « Mulder » doit retrouver le soir.

Côté noir aussi, ce début de saison est de très haut niveau, qu’elle flirte avec la mythologie dans l’inquiétant Compte à rebours (épisode 9), qui remet Skinner sur le devant de la scène ; ou qu’elle évoque le rapport à la mort dans l’intense et bouleversant Photos mortelles (épisode 10), porté par Geoffrey Lewis. Même dans une histoire a priori simplissime comme Poursuite (épisode 2), la série atteint des sommets de tension dramatique, rehaussée par l’interprétation habitée de Bryan Cranston, le futur anti-héros de Breaking Bad.

Que du bon aussi dans la seconde moitié de saison, uniquement composée de loners qui associent souvent la légèreté et la gravité, et donnent une place grandissante à la tendre relation de nos agents préférés. Ils incarnent même un couple bourgeois pour mieux infiltrer une communauté inquiétante dans le génial Bienvenue en Arcadie (épisode 15), et s’enlacent avec une complicité et une tendresse enthousiasmantes à la fin de Le Grand Jour (épisode 19), premier épisode écrit et réalisé par David Duchovny, hommage amoureux et décalé au base-ball qui se déroule curieusement à Roswell, en 1947…

Au programme aussi, une sorte de remake explosif d’Un Jour sans fin, Lundi (épisode 14) ; une suite de l’épisode de la saison 5 consacré aux Bandits solitaires, Brelan d’as (épisode 20), avec une Gillian Anderson hilarante ; un « monstre de la semaine » particulièrement réussi dans Agua Mala (épisode 13) ; ou encore une épatante variation sur le thème de l’écrivain dont l’œuvre prend forme dans Milagro (épisode 18).

En rompant avec sa mythologie primitive, X-Files prend une sorte de nouveau départ très enthousiasmant. Le seul bémol de cette saison 6 concerne finalement sa conclusion, Biogenèse (épisode 22), qui tente d’ouvrir la mythologie vers d’autres horizons. L’ambition est là, mais le résultat n’est pas, loin s’en faut, le plus convaincant de tous les cliffhangers de fin de saison.

* Voir aussi la saison 1, la saison 2, la saison 3, la saison 4, la saison 5, le premier film, la saison 7, la saison 8, la saison 9, le second film, la saison 10 et la saison 11.

Quand les tambours s’arrêteront (Apache Drums) – de Hugo Fregonese – 1951

Posté : 9 février, 2016 @ 8:00 dans 1950-1959, FREGONESE Hugo, WESTERNS | 1 commentaire »

Quand les tambours s'arrêteront

A peine une heure quinze, mais quelle tension, quelle intensité ! Cette série B fauchée de la Universal n’est pas uniquement une réussite impressionnante, c’est un pur chef d’œuvre, un western qui fait certes l’objet d’un petit culte en France, mais qui mériterait une toute autre renommée.

On voit bien que le film a été tourné pour un budget ridicule. On sent bien aussi que le choix s’est tourné vers des comédiens sympathiques, mais de seconde zone et bon marché. Rien à reprocher à Stephen McNally, mais l’acteur n’a pas la présence des plus grands noms du genre…

Pourtant, rien de tout ça ne vient réduire le choc ressenti à la vision du film. Cette tension incroyable qui pèse constamment, et cette impression de découvrir un western pour la première fois. La clé du succès ? Sans doute la complicité et la complémentarité entre le réalisateur Hugo Fregonese et son producteur, le grand Val Lewton : celui des chefs d’œuvre fantastique de Jacques Tourneur à la RKO.

Apache Drums est l’ultime film produit par Lewton, qui mourra avant même sa sortie. Et sans renier le talent de Fregonese, qui signe des compositions absolument sublimes (en partie lors de la longue séquence de l’église assiégée, où certains plans tiennent de l’imagerie religieuse) et une utilisation exceptionnelle du Technicolor, la patte de Val Lewton est flagrante, dès les premières scènes.

L’une d’elles, surtout, rappelle la présence au générique du producteur de La Féline. Chassé de la ville par un shérif désireux de se débarrasser des « mauvaises graines », Stephen McNally, joueur et homme de mauvaise vie, traverse le désert et réalise peu à peu le danger qui le guette : ces Indiens sur le pied de guerre qu’on ne voit pas, mais dont on devine la présence menaçante à travers ces longs plans sur les parois rocheuses qui entourent le personnage.

En quelques plans simples, sans l’ombre d’un artifice, le tandem Fregonese / Lewton crée une angoisse incroyable, un sentiment de menace et de terreur qui ne se calmera plus… Tout est comme ça dans ce petit western formidable, véritable ode à la communauté, dans ce qu’elle a de plus imparfaite : le film raconte aussi le voyage que fait McNally de l’individualisme égoïste et cynique au dévouement désintéressé pour la collectivité.

L’ouverture à l’autre, la tolérance : des valeurs omniprésentes dans ce film loin d’être aussi manichéen qu’il n’y paraît. Certes, c’est l’histoire d’une petite collectivité qui résiste avec bravoure contre l’attaque d’Indiens assoiffés de sang. Mais dès le générique, et à plusieurs reprises dans le film, ces Indiens sont présentés eux aussi comme des victimes : un peuple affamé et acculé, promis à une disparition certaine. Des êtres droits dont « la parole vaut plus que celle de la plupart des blancs », selon un officier de cavalerie.

Même ambiguïté chez les « héros ». McNally est un profiteur plus désireux de briller aux yeux de celle qu’il aime (Coleen Gray) que de sauver la communauté. Le maire, son rival (Willard Parker), est un être droit… mais prêts à s’autoriser quelques bassesses pour se débarrasser de lui. Quant au révérend, garant des bonnes moeurs, c’est son intolérance qui pousse à la mort les « danseuses » de music-hall. Et tout en étant capable de risquer sa vie pour la collectivité, il n’accepte pas de voir un Indien traité en égal. C’est Arthur Shields, figure fordienne qui trimbale sa gueule et son accent gallois dans une série de classiques.

Il y a bien quelque chose de Ford, dans ce film, que met en valeur la présence de Shields. Une influence qui se ressent dans la manière de présenter cette collectivité galloise (notamment lors d’un chant traditionnel qui doit concurrencer les percussions indiennes), et de promouvoir la communauté au détriment d’un individualisme forcené.

Sans angélisme, sans maniérisme, le film raconte la renaissance de cette communauté, dans la peur et dans le sang. Et l’irruption de la terreur dans ce cocon que représentait jusqu’alors la petite ville. Bourré de grandes idées, superbement filmé, et d’une intensité rarement égalée par un western, Apache Drums se termine par une longue séquence à l’intérieur de l’église où se sont réfugiés tous les survivants.

Sans la moindre tricherie : désormais, plus le moindre regard vers l’extérieur. Toute l’intensité repose sur l’attente, l’angoisse, les bruits que l’on perçoit, et les fenêtres trop hautes qui rougeoient de l’incendie qui ravage la ville. Sans rien qui viendrait atténuer le poids de cette attente, si ce n’est l’irruption soudaine de quelques Indiens couverts de peintures irréelles, apparaissant tels des fantômes par les fenêtres…

C’est tout simplement exceptionnel. Un chef d’œuvre, un western unique, à redécouvrir et à réévaluer d’urgence.

* DVD chez Sidonis / Calysta, dans l’indispensable collection Western de Légende.

Charlot machiniste (Behind the screen) – de Charles Chaplin – 1916

Posté : 8 février, 2016 @ 8:00 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot machiniste

Titre alternatif (VF) : Charlot fait du cinéLe Machiniste

Titre alternatif (VO) : The Pride of Hollywood ; Los Fallen Angeles

Ce n’est pas la première fois que Chaplin filme les coulisses du cinéma. Déjà à la Keystone, il avait tourné A Film Johnnie et The Masquerader dans le même décor, avant d’y revenir avec His New Job, son premier film à la Essanay. Désormais à la Mutual, Chaplin renoue donc avec ce qui semble être l’un de ses thèmes de prédilection: les coulisses du monde du spectacle.

L’émotion pure des Feux de la Rampe paraît en tout cas bien loin : avec Behind the screen, Chaplin signe une pure comédie très drôle, mais sans grande ambition, si ce n’est celle de se replonger, déjà, à l’époque de ses débuts à l’écran. La « méthode Keystone » est en effet omniprésente dans ce film. Pas tant pour la qualité des gags (Chaplin a fait du chemin depuis deux ans, et ce court est bien plus drôle que ses premiers films) que pour l’hommage amusé qu’il y rend à la compagnie de Mack Sennett.

Charlot y est l’homme à tout faire d’un plateau où se tournent en même temps une comédie « tarte à la crème » et un film dramatique en costume. L’effervescence du plateau, l’approximation des gags du film dans le film (on n’a pas d’idée ? terminons le film par une bataille de tarte à la crème)… Tout renvoie à l’esprit Keystone dans ce court qui est tout de même loin d’être le plus ambitieux de ceux qu’il a tournés pour la Mutual.

Il y a tout de même quelques gags mémorables. Le plus célèbre est cette image de Charlot se transformant en homme-hérisson en empilant sur son dos onze chaises. Le plus audacieux, pour l’époque, est ce baiser échangé avec Edna Purviance déguisée en homme, devant un Eric Campbell se moquant ouvertement de cette « grande folle ». Mais le plus drôle reste sans doute la scène de la pause déjeuner, à mourir de rire : Charlot mesurant les tourtes d’Eric Campbell pour s’assurer que ce dernier est bien capable de tout engloutir, ou faisant un sandwich d’un os de poulet dégusté par l’incontournable Albert Austin.

Mineur, mais très drôle… Une nouvelle réussite, donc, pour Chaplin.

Charlot usurier (The Pawnshop) – de Charles Chaplin – 1916

Posté : 7 février, 2016 @ 8:00 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot usurier

Titre alternatif (VF) : Charlot chez l’usurier ; L’usurier ; Charlot brocanteur ; Le Brocanteur

Titre alternatif (VO) : High and low finance ; At the sign of the dollar

Chaplin joue ici la carte de la comédie pure, délaissant totalement l’émotion qui marque souvent ses meilleurs films. Pourtant, The Pawnshop est un chef d’œuvre, l’un de ses classiques qui résume le mieux son génie comique.

Comme souvent, c’est le lieu et la fonction exercée par Charlot qui est à l’origine de la plupart des gags. Petit employé d’un usurier, il voit passer entre ses mains des tas d’objets dont il tire systématiquement un potentiel comique insoupçonné.

Le plus mémorable peut-être : cette dissection clinique d’un réveil par un Charlot qui veut vérifier son bon état de marche, avant de le rendre à son propriétaire en pièces détachées avec un non définitif de la tête, après que les morceaux épars se sont mis à bouger, comme animés d’une vie propre…

C’est tout le talent de Chaplin que ce film met en valeur : cette capacité unique à donner une vie aux objets inanimés les plus anodins. Entre ses mains, un plumeau semble danser à travers l’espace. Entre ses jambes, un escabeau semble vouloir se débarrasser de lui. Coincé sur sa tête, une contrebasse semble se mettre à marcher…

Chef d’œuvre de mise en scène et d’inventivité, The Pawnshop pousse à un niveau de perfection rarement égalé le sens du rythme et du détail de Chaplin. Une merveille hilarante et irrésistible.

Cartouche – de Philippe De Broca – 1962

Posté : 6 février, 2016 @ 8:00 dans 1960-1969, DE BROCA Philippe | Pas de commentaires »

Cartouche

« Amuse-toi, ça empêche de mourir. » Cette belle phrase, écrite par Charles Spaak et dite par une Claudia Cardinale d’une beauté spectaculaire, résume mieux que tout l’esprit qui règne sur ce sommet du film de cape et d’épée made in France. De la légèreté, oui, mais pour mieux dissimuler une vraie gravité, à l’image des grands films hollywoodiens du genre. Quinze ans après les grands classiques américains, De Broca marche dans les bottes d’un George Sidney. Avec un vrai brio.

La farce a bien pris un méchant coup de vieux : toute la partie « militaire » du film est dominée par un humour un peu lourdingue, à l’image du sergent recruteur interprété par un Noël Roquevert dans son éternel numéro de vieille baderne ridicule, tellement usé qu’il finit par lasser un brin. Mais quand De Broca se concentre sur l’action, sur les duels, et sur le suspense, là son film n’a plus rien à envier à Hollywood.

Dans le genre, a-t-on fait mieux en France que Cartouche ? Pas sûr. En tout cas, et malgré quelques seconds rôles un peu caricaturaux (Marcel Dalio force nettement le trait), le film est une belle réussite, qui inaugure la longue collaboration entre De Broca et Belmondo, qui donnera lieu à quelques-uns des meilleures films populaires des années à venir. Un Belmondo qui, d’enfant chéri de la Nouvelle Vague, révèle sa nature hyper-physique avec ce rôle de voleur qui devient le roi de la Cour des Miracles.

Le personnage, et le ton du film, doivent beaucoup à cette nature conquérante et exubérante que Belmondo exploitera jusqu’au bout, quitte au fil des années à devenir la caricature de lui-même. Il n’en est pas là. A pas encore 30 ans, pas encore cantonné systématiquement dans le même personnage, il alterne avec un bonheur rare la légèreté et la gravité, et donne corps à un personnage de gamin dont la flamboyance dissimule le mal-être.

Quant à Claudia Cardinale (ai-je déjà souligné sa beauté spectaculaire ?), superbe sauvageonne qui dévore la vie à pleine dent, elle se transforme peu à peu en héroïne tragique bouleversante. A eux deux, à leur jeunesse explosive, à la profondeur qu’ils apportent à leurs personnages, le film doit beaucoup de sa réussite.

Les Trois mousquetaires (The Three Musketeers) – de George Sidney – 1948

Posté : 5 février, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, SIDNEY George | Pas de commentaires »

Les Trois mousquetaires

Gene Kelly s’échappe brièvement de la comédie musicale, mais reste le danseur acrobatique qu’il est avant tout. Sa manière de combattre à l’épée, de courir dans les ruelles humides de Paris, de séduire Constance, et même de regarder à travers la lame entrebaillée d’un plancher… Tout dans son jeu évoque la danse, dans cette adaptation assez fidèle du classique de Dumas.

On pouvait douter de la capacité de Kelly d’incarner D’Artagnan. Il est simplement éblouissant, donnant au film un rythme, une vitesse même qui colle parfaitement à l’esprit du récit. Grand spécialiste du genre (il fera encore mieux avec Scaramouche), George Sidney s’y connaît en terme de duels et de poursuites. Son style épouse parfaitement le dynamisme de sa star, pour offrir une adaptation respectueuse du roman, tout en étant 100% Hollywoodien.

Un divertissement de luxe, porté par une distribution éblouissante (Lana Turner en Milady, Vincent Price en Richelieu…) : voilà ce qu’est cette version des Trois Mousquetaires, sans doute la meilleure jamais tournée. Un film qui accumule les morceaux de bravoure (le duel « pour rire » qui scelle l’amitié entre D’Artagnan et les mousquetaires, le combat sur la plage…), mais pas seulement.

L’espace de quelques scènes (D’Artagnan suivant Constance dans la nuit parisienne…), Sidney révèle une gravité inattendue et une approche visuelle assez saisissante. Dans le ton non plus, le cinéaste n’évite pas les aspects les plus sombres du roman, au contraire. Van Heflin est ainsi un Athos tragique et bouleversant, qui parvient dans les passages les plus durs à voler la vedette au bondissant Gene Kelly. Jusqu’à l’exécution de Milady, séquence visuellement splendide et d’une puissance évocatrice assez sidérante.

Les Trois Mousquetaires est un pur divertissement hollywoodien ? Oui, mais pas que…

Le Coup de l’escalier (Odds against tomorrow) – de Robert Wise – 1959

Posté : 4 février, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, RYAN Robert, WISE Robert | Pas de commentaires »

Le Coup de l'escalier

Revoir l’un après l’autre La Chevauchée des bannis et Le Coup de l’escalier est une bonne manière de réaliser une bonne fois pour toute à quel point Robert Ryan est grand. Les deux films sont tournés la même année, marquent chacun à leur manière l’histoire du genre qu’ils représentent, et révèlent l’immense talent d’un acteur qui, en toute humilité et sans jamais tirer la couverture à lui, apporte à ses personnages une profondeur et une complexité à peu près infinis.

Après le western, le film noir donc. Et plus précisément le film de braquage, genre en soi dont Robert Wise, pas encore spécialiste du film musical mais déjà grand cinéaste au rythme très musical, s’empare en le malmenant comme peu d’autres avant lui. C’est bel et bien un film de braquage, construit comme tel : la formation de l’équipe, la préparation et l’attente, et le braquage lui-même. Sauf que ce braquage, minable et foireux, se résume à une dizaine de minutes montre en main, admirablement tendues et tragiques, et que l’essentiel est ailleurs.

Dans la préparation ? Elle-même se limite à une poignée de plans vite expédiés. Wise ne s’intéresse en fait qu’à ses trois bras cassés : Ryan donc, ainsi que Ed Begley et Harry Belafonte, à l’origine du projet, qui s’offre au passage une formidable séquence chantée dans un club enfumé, absolument fascinante. C’est tout le talent de Wise, qui prend le contre-pied des grands cinéastes du noir, et qui s’autorise de longues pauses et d’innombrables digressions.

A l’action pure, Wise préfère plonger dans les affres de ses personnages, qui n’en manquent pas. Ed Begley, ancien flic défroqué qui monte un « coup » pour se venger de la bonne société plus que pour se permettre un nouveau départ. Harry Belafonte, joueur invétéré et père divorcé, qui s’est attiré les foudres d’un créancier qu’il ne peut pas payer. Et Robert Ryan, vétéran fatigué de vivre aux crochets de son amie (Shelley Winters, terriblement émouvante), qui veut retrouver son statut « d’homme ».

Trois paumés que le noir et blanc éthéré assez impressionnant renvoie à leur triste banalité. Rien d’héroïque ou d’extraordinaire chez eux, ou dans ce qui les entoure. Ça sent déjà le plan foireux à plein nez, mais on pourrait leur rêver une nouvelle chance, finalement, à ces trois minables plutôt touchants.

Sauf que le personnage de Ryan est raciste jusqu’à la racine de ses cheveux. Il n’y peut rien : il a été élevé comme ça, et ça ne l’a jamais empêché de vivre. Et sauf que, pour ceux qui l’ignorent, Harry Belafonte est noir. Le film de braquage devient alors une charge contre le racisme et ses aspects destructeurs, jusqu’à un final chargé de symbole qui cite le White Heat de Walsh, et qui s’offre une conclusion cynique et définitive : face à la mort, il n’y a plus de différence entre les blancs et les noirs.

La Chevauchée des bannis (Day of the outlaw) – de Andre De Toth – 1959

Posté : 3 février, 2016 @ 8:00 dans 1950-1959, DE TOTH Andre, RYAN Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Chevauchée des bannis

Des westerns dans la neige ? On en a vu d’autres, avant et après, y compris avec Robert Ryan qui, dans Les Implacables de Walsh, quatre ans plus tôt, chevauchait déjà dans des paysages d’un blanc immaculé. D’où vient alors cette impression de ne jamais avoir vu un film comme Day of the Outlaw ?

Avec ce film, dénué de toute fioriture, De Toth, plus que dans n’importe quel autre, pousse à fond la logique de l’épure. Les paysages, les décors, les dialogues, les expressions des acteurs… rien, strictement rien de superflu ici. Rien qu’une poignée de personnages obligés de cohabiter tant bien que mal, dans une nature omniprésente et hostile.

En tournant quasi-intégralement en extérieurs, dans une région reculée et dans des conditions extrêmes, De Toth apporte à son film une dimension rare. L’omniprésence de cet environnement, sa menace perpétuelle, sont bel et bien perceptibles. Le cinéaste et son équipe ont profité de ses conditions difficiles pour faire de la nature un personnage central, utilisant tempêtes et brouillard pour renforcer son côté oppressant.

Le résultat est époustouflant. Le vent qui souffle sur les planches qu’on devine mal jointes des maisons, les chevaux qui avancent avec difficulté dans une neige profonde, s’enfonçant lentement dans un brouillard qui ferme l’horizon… Le film est émaillé de ces images saisissantes. Et l’affrontement entre héros et méchants se résumera à savoir qui des uns ou des autres saura le mieux se plier aux caprices de la nature.

Au cœur du film (et apparemment co-auteur du scénario, à un degré ou un autre), Robert Ryan est une nouvelle fois fabuleux. De son passé, on ne saura pas grand-chose, si ce n’est qu’il a utilisé plus d’une fois les armes pour amener la paix dans cette petite ville perdue dans les montagnes. Une ville qui, la paix installée, lui tourne ostensiblement le dos.

C’est un thème récurrent dans le western : le rapport ambivalent des habitants avec l’usage de la violence. Mais là aussi, le film prend le contre-pied de ce que l’on pourrait attendre. Pour Robert Ryan, pas de miracle possible : sa seule issue est de se confronter à ses démons, et d’accepter la vie en société et les prémisses d’une démocratie qui ne lui donnera pas forcément raison.

Surtout, Day of the Outlaw est l’un des westerns les plus tendus, les plus oppressants qui soient. Avant même l’irruption de Burl Ives et de sa bande de desperados, qui ne tardent pas à semer la terreur, Andre De Toth impose une tension extrême d’autant plus oppressante qu’elle ne fait que flirter avec l’explosion de violence que l’on sent toute proche, et avec laquelle le cinéaste s’amuse avec un sadisme réjouissant.

Cette tension atteint son sommet lors d’une scène… de bal. Un bal improvisé par des bandits en mal de compagnie, qui semble constamment sur le point de se transformer en viol collectif. La séquence de bal constitue la plupart du temps une pause dans le western, mais De Toth s’amuse à renverser cette figure presque imposée. Comme il s’amuse à faire de la survie du grand méchant (Burl Ives, donc) non pas une menace sur la population locale, mais une condition indispensable à sa sécurité.

Même s’il prend systématiquement le contre-pied des codes habituels du genre, Andre De Toth le fait avec discrétion, sans le tape-à-l’œil d’autres « révolutionnaires » du western (Peckinpah par exemple). Son film est un pur chef d’œuvre.

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