La Chevauchée des bannis (Day of the outlaw) – de Andre De Toth – 1959
Des westerns dans la neige ? On en a vu d’autres, avant et après, y compris avec Robert Ryan qui, dans Les Implacables de Walsh, quatre ans plus tôt, chevauchait déjà dans des paysages d’un blanc immaculé. D’où vient alors cette impression de ne jamais avoir vu un film comme Day of the Outlaw ?
Avec ce film, dénué de toute fioriture, De Toth, plus que dans n’importe quel autre, pousse à fond la logique de l’épure. Les paysages, les décors, les dialogues, les expressions des acteurs… rien, strictement rien de superflu ici. Rien qu’une poignée de personnages obligés de cohabiter tant bien que mal, dans une nature omniprésente et hostile.
En tournant quasi-intégralement en extérieurs, dans une région reculée et dans des conditions extrêmes, De Toth apporte à son film une dimension rare. L’omniprésence de cet environnement, sa menace perpétuelle, sont bel et bien perceptibles. Le cinéaste et son équipe ont profité de ses conditions difficiles pour faire de la nature un personnage central, utilisant tempêtes et brouillard pour renforcer son côté oppressant.
Le résultat est époustouflant. Le vent qui souffle sur les planches qu’on devine mal jointes des maisons, les chevaux qui avancent avec difficulté dans une neige profonde, s’enfonçant lentement dans un brouillard qui ferme l’horizon… Le film est émaillé de ces images saisissantes. Et l’affrontement entre héros et méchants se résumera à savoir qui des uns ou des autres saura le mieux se plier aux caprices de la nature.
Au cœur du film (et apparemment co-auteur du scénario, à un degré ou un autre), Robert Ryan est une nouvelle fois fabuleux. De son passé, on ne saura pas grand-chose, si ce n’est qu’il a utilisé plus d’une fois les armes pour amener la paix dans cette petite ville perdue dans les montagnes. Une ville qui, la paix installée, lui tourne ostensiblement le dos.
C’est un thème récurrent dans le western : le rapport ambivalent des habitants avec l’usage de la violence. Mais là aussi, le film prend le contre-pied de ce que l’on pourrait attendre. Pour Robert Ryan, pas de miracle possible : sa seule issue est de se confronter à ses démons, et d’accepter la vie en société et les prémisses d’une démocratie qui ne lui donnera pas forcément raison.
Surtout, Day of the Outlaw est l’un des westerns les plus tendus, les plus oppressants qui soient. Avant même l’irruption de Burl Ives et de sa bande de desperados, qui ne tardent pas à semer la terreur, Andre De Toth impose une tension extrême d’autant plus oppressante qu’elle ne fait que flirter avec l’explosion de violence que l’on sent toute proche, et avec laquelle le cinéaste s’amuse avec un sadisme réjouissant.
Cette tension atteint son sommet lors d’une scène… de bal. Un bal improvisé par des bandits en mal de compagnie, qui semble constamment sur le point de se transformer en viol collectif. La séquence de bal constitue la plupart du temps une pause dans le western, mais De Toth s’amuse à renverser cette figure presque imposée. Comme il s’amuse à faire de la survie du grand méchant (Burl Ives, donc) non pas une menace sur la population locale, mais une condition indispensable à sa sécurité.
Même s’il prend systématiquement le contre-pied des codes habituels du genre, Andre De Toth le fait avec discrétion, sans le tape-à-l’œil d’autres « révolutionnaires » du western (Peckinpah par exemple). Son film est un pur chef d’œuvre.
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