Mark Dixon détective (Where the Sidewalk ends) – d’Otto Preminger – 1950
Voilà un film qui peut sans problème prétendre à une place au panthéon des pires traductions de titres. Il est pourtant magnifique, ce titre en VO. « Là où le trottoir s’arrête », une destination que le très beau générique souligne sans détour : le trottoir s’arrête… dans le caniveau. Là même où les méthodes et le lourd passé du flic Mark Dixon le dirige immanquablement.
Le titre français n’a évidemment pas le centième de la puissance d’évocation du titre original. Il n’est pas totalement idiot pour autant : ce n’est pas un polar que signe Preminger, mais le portrait d’un homme, un flic, emprisonné dans ses mensonges et ses habitudes, et qui tente un peu tardivement de s’imposer comme le policier qu’il est, et non comme le fils de truand qu’il se sent depuis toujours.
Comme dans Laura, film culte de Preminger qui réunissait déjà Dana Andrews et Gene Tirney, tout le film tourne autour d’une obsession : celle pour Mark Dixon d’échapper à son destin. Mais la comparaison, forcément incontournable, s’arrête à peu près là. Dans le ton, dans la forme, Preminger fait ici des choix radicalement différents, et effectivement assez radicaux.
Visuellement d’abord : avec ce noir et blanc au grain impressionnant, Preminger semble nous coller directement sur le macadam, au contact des aspects les moins glamours de la ville. Dans la mécanique implacable de cette plongée au cœur de la violence aussi, et dans la manière de rendre cette violence réellement brutale : dès les premières scènes, on sait que le moindre coup peut être mortel. La violence n’a, ici, strictement rien de ludique.
En anti-héros habité par la rage, Dana Andrews est simplement extraordinaire. Il est de toutes les scènes, peu bavards, et impassible en apparrence. Mais l’acteur sait jouer comme personne de son regard et de ses petits riens – une machoire qui se crispe, des lèvres qui s’entrouvrent, un regard qui se fixe – qui dévoilent le doutes, la colère ou la délivrance. Un contrepoint parfait à la douce et fascinante Gene Tierney, qui joue un peu les faire-valoir, mais dont la présence à l’écran a quelque chose de purement magique.
Au moins autant que Laura, mais dans un registre différent, Mark Dixon détective est un chef d’œuvre absolu. Peut-être le sommet de la (riche) collaboration entre Andrews et Preminger. Peut-être leur plus grand film à tous les deux.
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