L’Homme aux colts d’or (Warlock) – d’Edward Dmytryk – 1959
Voilà un western absolument formidable, et superbement réalisé par un Dmytryk très inspiré, qui peut compter sur un chef opérateur formidable (Joseph McDonald, chef op de La Poursuite infernale ou de Niagara), à qui on doit une poignée de plans à couper le souffle, comme cette silhouette (de Henry Fonda) qui se dessine dans une nuit bleue avec les flammes qui commencent à dévorer l’écran.
Mais c’est surtout le scénario qui impressionne par sa complexité, inhabituelle dans le genre. Et par la richesse des personnages et des relations qui se tissent. Les personnages masculins en tout cas, parce que les deux personnages féminins sont à la limite de la caricature : la douce Dolores Michaels et la piquante Dorothy Malone n’y peuvent pas grand-chose.
Côté hommes, on a droit à un superbe trio d’acteurs. Richard Widmark en bandit qui passe du bon côté de la loi, sans doute un peu trop vieux pour le rôle mais toujours d’une justesse remarquable. Henry Fonda en légende vivante, intense et charismatique comme jamais. Et Anthony Quinn en mystérieux sidekick, dans l’un de ses grands rôles : l’un de ces films pas si nombreux où le réalisateur, et la nature de son personnage, ont su canaliser son énergie débordante, refréner ses penchants pour le cabotinage, et libérer son impressionnante présence. Ils ne sont pas si nombreux à avoir réussi un tel exploit (on pense à Allan Dwan avec Le Bord de la Rivière).
Avec ce film à gros budget et en Cinemascope, Dmytryk s’amuse à prendre le contre-pied des poncifs du western, et à tromper constamment l’attente des spectateurs. Les duels attendus ne se passent jamais comme on le pense, et le cinéaste se permet même de priver Fonda de la grande confrontation annoncée.
Le film est aussi une belle réflexion sur la violence et ses effets, opposant l’auto-justice à la loi, peut-être moins efficace, mais qui seule peut ramener la paix et assurer l’avenir de la société. Là encore, c’est une morale qui est loin d’être courante dans le western.
* Le film fait partie de la collection « Western de Légende », et figure dans l’impressionnant coffret de 30 westerns (avec encyclopédie en deux volumes consacrée au genre par Patrick Brion) que vient d’éditer Sidonis/Calysta).