Chotard et compagnie – de Jean Renoir – 1932
Devant le magasin général Chotard, les livreurs s’activent. C’est alors qu’arrive le patron, qui entre dans le magasin, virevolte entre ses employés tous très occupés, s’intéresse à la caisse, traverse la cour intérieur, avant de rentrer dans son domicile où il se saisit d’un journal et s’attable… C’est le début de Chotard et compagnie, l’un des trois films tournés par Renoir en 1932 (avec La Nuit du Carrefour et Boudu sauvé des eaux). Une scène toute simple en apparrence, mais tournée en un seul et admirable plan séquence de deux minutes, d’une fluidité et d’une vigueur impressionnante.
Chotard et compagnie mérite d’être vu avant tout pour sa mise en scène, brillante et d’une modernité stupéfiante : il faut voir Renoir jouer avec la profondeur de champs lorsqu’il filme son patron attablé alors que ses employés s’activent en arrière-plan… Un Renoir déjà engagé, donc, qui s’amuse à ridiculiser le patron, sans pour autant épargner les travailleurs, ni les artistes.
Sur un mode léger, c’est la lutte des classes qui intéresse déjà Renoir, avec cette histoire d’un riche bourgeois qui voit d’un mauvais œil sa fille s’amouracher d’un poète oisif… qui finira par rencontrer le succès. La charge, toutefois, n’est pas très féroce dans cette comédie aussi virevoltante que la caméra de Renoir, et portée par un Fernand Charpin qui fait du Raimu, mais qui le fait bien.
Le cinéaste, une fois n’est pas coutume, semble plus intéressé par l’esthétique de son film et les mouvements de sa caméra, que par le fond. Une œuvre légère et un peu mineure, donc, mais dont quelques scènes (à commencer par celle du bal) annonce un autre film de Renoir qui, sur le même thème et avec la même apparente légèreté, touchera au sublime : La Règle du Jeu. Chotard et compagnie s’apparente à un brouillon de ce chef d’œuvre. Un brouillon réjouissant, mais un brouillon tout de même.
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