Body Double (id.) – de Brian De Palma – 1984
Sale journée pour l’acteur Jake Scully qui, en quelques heures, perd le petit boulot qu’il avait déniché, surprend sa femme au lit avec un autre, se retrouve à la rue sans savoir où aller, et tombe sur un type un peu louche qui lui propose de dormir dans un appartement de rêve avec vue plongeante sur une voisine qui lui offre un strip-tease chaque soir. Oui, ça sent le sale coup à plein nez…
Body Double est une étape importante dans la carrière de Brian De Palma : ce chef d’œuvre est le dernier de ses films purement hitchcockiens, ces films qui ont marqué sa filmographie entre les années 70 et le début des années 80 (Pulsions, Obsession…).
Comme s’il savait déjà qu’il n’y reviendrait plus sous cette forme, De Palma multiplie les références à son maître. Fenêtre sur cour bien sûr, pour l’argument de base, mais aussi et surtout Sueurs froides : moins pour la claustrophobie qui renvoie au vertige de James Stewart et qui paraît finalement assez anecdotique, que pour le motif de l’obsession qui trouble la perception, et pour ce jeu perpétuel sur les faux-semblants.
L’action se passe à Los Angeles, parce que la production cinématographique sert de toile de fond troublante à ce thriller virtuose. Mais on jurerait par moment que l’on est à San Francisco, tant l’atmosphère du film évoque le chef d’œuvre d’Hitchcock, en particulier lors de la longue séquence de la filature.
On pourrait ainsi évoquer longuement les références à Hitchcock, jusqu’à la présence de Melanie Griffith (fille de Tippi Hedren, l’héroïne des Oiseaux et de Marnie), et à la séquence de la douche qui clôt le film, avec intervention d’une doublure… comme dans Psychose.
Mais ce qui frappe surtout, c’est de voir à quel point De Palma s’approprie pleinement un film qui n’est pourtant que références, et à quel point il se dirige vers un pur cinéma de l’image. Car aussi machiavélique semble-t-elle, l’intrigue est finalement étonnamment simple, presque un prétexte à multiplier les moments de suspense durant lesquels le temps semble suspendu, étiré à l’envi.
Finalement, la comparaison la plus frappante avec le cinéma d’Hitchcock repose peut-être sur l’impressionnante maîtrise dont fait preuve De Palma, qui joue avec sa caméra (avec de longs et sublimes plans qui embrassent littéralement les personnages) et avec le spectateur avec le même plaisir gourmand. Son film se déroule dans le monde du cinéma ? Ce n’est pas un hasard: il ne parle que de la position du spectateur, et du plaisir de manipuler son monde. Troublant, et totalement jouissif.
* L’excellentissime éditeur Carlotta a choisi ce chef d’œuvre de Brian De Palma pour inaugurer sa nouvelle collection luxueuse : un DVD et un blue ray aux bonus passionnants (comme toujours chez cet éditeur), et accompagné d’un livre écrit par Susan Dworkin, qui évoque sur près de 200 pages la genèse du film, dont elle a pu suivre le tournage en 1984.
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