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Archive pour novembre, 2015

Kingsman, services secrets (Kingsman : The Secret Service) – de Matthew Vaughn – 2015

Posté : 19 novembre, 2015 @ 4:06 dans 2010-2019, FANTASTIQUE/SF, VAUGHN Matthew | Pas de commentaires »

Kingsman

Il a une classe folle, Colin Firth, totalement irrésistible en agent secret lorgnant du côté d’un John Steed, costume impeccable et flegme à toute épreuve, arborant un parapluie aussi classieux que létal. Qui d’autre que lui est capable de jouer de son charme so british, de se transformer en pur héros d’action et de flirter avec les limites de la parodie, tout ça dans le même mouvement ?

Le ton de Kingsman lui doit beaucoup, à lui et à tous les acteurs, (tous formidables, y compris le jeune Taron Egerton, qui tient parfaitement sa place au côté de ses prestigieux aînés). Dans la première partie en tout cas, avant que le cocktail improbable de Matthew Vaughn n’exhale toute sa saveur : il faut un peu de temps pour en savourer toute la singularité, pour trouver son chemin entre le pastiche, l’hommage nostalgique et la parodie.

Le réalisateur-coscénariste le laisse entendre au détour d’un dialogue : son goût penche plus du côté du James Bond première manière que du sérieux de Jason Bourne. Il y aura donc des gadgets comme s’il en pleuvait, un super méchant bigger than life (Samuel L. Jackson, hilarant en « sauveur du monde » avec un cheveu sur la langue), une Bond Girl mortelle, une séquence sous-marine, un satellite à dézinguer, une base secrète, et une planète à sauver…

Mais les références de Kingsman sont bien plus large, avec des clins d’œil souvent réjouissants aux vieux espions qu’on aimait (hello Michael Caine, interprète de Harry Palmer), mais aussi un plan tout droit sorti de Shining, ou encore une influence manifeste de Tarantino pour les dialogues et la démesure. Tarantino qui, d’ailleurs, a adoré le film !

Un film sous influence, donc, mais qui impose un ton bien à lui. Moins pour les époustouflantes scènes d’action (nombreuses, spectaculaires, drôles et magnifiquement chorégraphiées) que pour l’envie gourmande de surprendre constamment. Le film regorge ainsi de rebondissements vraiment inattendus, jusqu’à un sidérant et interminable carnage dans une église, et un « feu d’artifice » final, sorte d’hommage gore aux grands classiques Disney !

Kingsman est un pur divertissement, un film d’action qui réussit ce que la plupart des blockbusters ne font même plus semblant d’essayer: il surprend. Et c’est bien de là que vient le plaisir, rare…

* DVD chez Fox. En bonus : un docu promotionnel qui résume assez intelligemment en quelques minutes le processus créatif qui a débouché sur la réalisation du film, et de la bande dessinée écrite dans le même temps.

Alibi meurtrier (Naked Alibi) – de Jerry Hopper – 1954

Posté : 16 novembre, 2015 @ 3:14 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, HOPPER Jerry | Pas de commentaires »

Alibi meurtrier

Eh non, Dirty Harry n’a pas été le premier flic aux méthodes expéditives montré du doigt par l’opinion publique et sa hiérarchie. Avant lui (bien avant lui, même), il y a eu l’inspecteur chef Joe Conroy, interprété par l’impeccable et hiératique Sterling Hayden, héros obstiné et discutable de ce petit film noir dont on jurerait qu’il a inspiré Siegel de près ou de loin.

Près de vingt ans avant le classique de Siegel, Jerry Hopper raconte l’histoire d’un flic bien décidé à faire tomber celui dont il est persuadé qu’il est un tueur, par tous les moyens. Sans preuve, mais en le harcelant, en le poussant à bout. En chemin, le flic va être destitué, et son boulot va prendre la forme d’une véritable obsession qui va le conduire loin de son terrain de chasse habituel, à la frontière mexicaine.

Jerry Hopper n’est pas un immense cinéaste. De lui, on connaît surtout Ne dites jamais adieu, dans lequel le jeune Clint Eastwood tenait l’un de ses premiers tout petits rôles. Mais il fait le job efficacement et sans temps mort. Et puis il peut compter sur la splendide photo de Russell Metty (Le Secret magnifique, La Soif du Mal, Spartacus…), tout particulièrement lors des nombreuses scènes de nuit qui jouent magnifiquement sur la profondeur de l’obscurité.

Quant au scénario, il est plutôt malin et original. Le personnage de grand méchant manque sans doute de relief, mais il est loin des clichés du genre : un père de famille qui cache derrière sa façade d’homme tranquille une double-vie et de terribles accès de violence. Sterling Hayden est taiseux et raide comme la justice? Mais il a une présence magnétique incroyable. Et il y a Gloria Grahame, toujours bouleversante, « destin tragique » gravé sur le front.

Tout en reposant sur des ressors plutôt classiques du film noir, Naked Alibi surprend constamment par ses ruptures de rythme, ses changements de décor, ses explosions de violence et ses longs moments de calmes. Une perle noire de plus à sortir de l’oubli…

Cow-boy (Cowboy) – de Delmer Daves – 1958

Posté : 15 novembre, 2015 @ 4:46 dans 1950-1959, DAVES Delmer, WESTERNS | Pas de commentaires »

Cowboy

Un an après 3h10 pour Yuma, le grand Delmer Daves retrouve son interprète Glenn Ford pour un autre western. Pas question pour autant de se répéter: Daves prend le contre-pied de son précédent chef-d’œuvre, s’inspire d’une histoire vraie (les mémoires de Frank Harris, un authentique cow-boy), tourne en couleurs, commence son film dans le luxe d’un grand hôtel de Chicago, loin de la poussière de l’Ouest, et laisse penser que le ton est à la comédie, en donnant l’un des rôles principaux au jeune Jack Lemmon, pas encore acteur fétiche de Billy Wilder mais déjà bille de clown.

C’est dans ce décor aux antipodes des clichés du genre que débarque l’Ouest tel qu’on le connaît, en la personne d’un riche convoyeur de bêtes (Glenn Ford, donc), que le pied tendre Lemmon décide de suivre sur les pistes. Le quotidien d’un jeune citadin qui découvre les réalités de la vie d’un cow-boy ? C’est bien ce qu’est le film, mais la comédie évoquée un peu trop rapidement cède vite la place à l’âpreté d’un réalisme nettement plus sordide, où l’ennui et la mort rodent, et où la solidarité et l’héroïsme sont des notions très relatives.

Daves fut l’un des premiers à signer un western pro-indiens (La Flèche brisée). Avec Cow-boy, il est aussi l’un des premiers à confronter les mythes de l’Ouest à une réalité souvent très différente. Pour autant, Daves ne renonce pas aux fastes hollywoodiens, et signe un film visuellement splendide, aux couleurs chaudes et romantiques.

L’évolution des personnages n’est pas toujours convaincantes, comme si Daves avait dû faire des coupures un peu extrêmes dans son scénario. Mais le film reste passionnant et très original. Bien plus qu’une curiosité, une perle méconnue d’un cinéaste majeur.

* Blue ray chez Carlotta, avec une image magnifique, et de passionnants bonus.

X-Files, aux frontières du réel (The X-Files) – saison 3 – créée par Chris Carter – 1995-1996

Posté : 14 novembre, 2015 @ 6:26 dans 1990-1999, BOWMAN Rob, CARTER Chris, CHARLESTON James, FANTASTIQUE/SF, GATES Tucker, GOODWIN R.W., MANNERS Kim, NUTTER David, TÉLÉVISION, X-Files | Pas de commentaires »

X Files saison 3

Cette saison 3 confirme la qualité grandissante de la série, et recèle bien des bijoux. Bizarrement pourtant, après une saison 2 qui a posé de nombreuses bases, la mythologie se retrouve un peu en retrait ici. Plus exactement, les scénaristes semblent hésiter sur la direction à prendre. Le diptyque Monstres d’utilité publique (épisodes 9 et 10), aussi passionnant soit-il, n’apporte ainsi pas grand-chose à la quête de Mulder et Scully…

C’est toutefois dans cette saison qu’apparaît la fameuse huile noire, dans un autre diptyque, L’Epave (épisodes 15 et 16), particulièrement réussi. Là aussi que le mystère s’épaissit et prend une tournure inattendue à propos de la présence d’extraterrestres sur terre et sur leurs ambitions divergentes, avec ce mystérieux alien chasseur d’aliens qui prend une importance centrale dans le dernier épisode, Anagramme (épisode 24), dont le personnage central très christique, ne semble être introduit que pour donner un rôle à Roy Thiennes, star d’une autre série paranoïaque autour de la présence d’extraterrestres sur terre (Les Envahisseurs, bien sûr).

Dans le rayon « monstres de la semaine », la saison 3 contient quelques perles : les terrifiants Souvenir d’oubliette (épisode 8) ou La Règle du Jeu (épisode 19). Mais le meilleur est sans doute celui qui, sur le papier, paraissait le plus anecdotique : Autosuggestion (épisode 17), véritable chef d’œuvre de mise en scène et de construction dramatique, dont le final est absolument bouleversant.

Il y a bien quelques rares épisodes un peu faiblards : La Liste (épisode 5) et Meurtre sur Internet (épisode 6), sur des sujets pourtant passionnants. Le premier est réalisé par un Chris Carter dont le talent de réalisateur s’améliorera nettement au fil des saisons.

Mais la saison est surtout marquée par de grandes réussites. La série développe les ruptures de ton, qui contribuent à en faire un show si passionnant. Deux exemples : le quasi-parodique Le Seigneur du Magma (épisode 20), qui s’amuse de la paranoïa habituelle de la série avec une auto-dérision irrésistible, et le génial Voyance par procuration (épisode 4), où la parodie flirte superbement avec le tragique.

De la même manière, la relation entre Mulder et Scully s’enrichit et se complexifie dans quelques épisodes qui s’inscrivent sur un mode à la fois léger et émouvant qui sied parfaitement à ce couple déjà mythique : La Guerre des Coprophages (épisode 12) ou Les Dents du Lac (épisode 22).

Notons aussi le superbe La Visite (épisode 21), envoûtant et bouleversant, qui contribue à enrichir considérablement la personnalité de Walter Skinner, et à faire de lui l’un des personnages majeurs de la série. La saison 4 confirmera largement cette tendance.

* Voir aussi la saison 1, la saison 2, la saison 4, la saison 5, le premier film, la saison 6, la saison 7, la saison 8, la saison 9, le second film, la saison 10 et la saison 11.

Maigret voit rouge – de Gilles Grangier – 1963

Posté : 13 novembre, 2015 @ 1:44 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, d'après Simenon, GABIN Jean, GRANGIER Gilles, Maigret | Pas de commentaires »

Maigret voit rouge

Quatre ans seulement ont passé depuis L’Affaire Saint-Fiacre. Pourtant, tout semble avoir changé dans ce nouveau Maigret, le troisième et dernier interprété par Jean Gabin (curieusement, le dernier interprété par un acteur français au cinéma, d’ailleurs). Delannoy et Audiard sont partis, remplacés par Gilles Grangier à la caméra et au scénario.

Pas un manchot, cela dit : le réalisateur nous offre quelques belles séquences nocturnes, joliement photographiées, tendues et pleines de suspense. Quant à l’adaptateur, ses dialogues « à la Audiard » le sont trop pour ne pas sonner un peu faux. Gabin, d’ailleurs, n’y croit pas trop, à ces dialogues : ses mimiques habituelles semblent un peu forcées ici. Un détail, cependant. Parce que le polar est réellement très efficace, le rythme ne baisse jamais, et la violence et le danger sont constamment palpables dans les rues de Paris.

Mais plus que l’absence de Delannoy et Audiard, c’est celle de l’atmosphère chère à Simenon que l’on regrette, et l’esprit même de Maigret. La silhouette massive et voûtée est bien là, mais pas cette lassitude et ce doute permanents qui font la richesse du personnage, et qui faisaient le charme des deux précédents films.

On le comprend bien d’ailleurs : cette fois, Maigret est confronté à des adversaires différents, des étrangers, des Américains, qui prennent les rues parisiennes pour « le Chicago de la Prohibition », dixit Maigret. Ce qui est au cœur de la plupart des « Maigret », cette lente immersion dans un microcosme dont il découvre peu à peu les secrets, n’a plus de raison d’être. On est ici dans l’environnement du commissaire, où la violence fait une incursion brutale.

Le sujet aurait pu être intéressant, comme aurait pu l’être la confrontation du traditionnel Maigret avec la culture américaine, le culte des gangsters, le jazz et le bowling. Mais tout ça n’est qu’un décor, et le polar est d’avantage un « Gabin » qu’un « Maigret ». Un bon Gabin d’ailleurs, mais sans grande surprise, et forcément très frustrant pour les amoureux de Maigret et Simenon.

* Voir aussi Maigret tend un piège et Maigret et l’affaire Saint Fiacre.

Maigret et l’affaire Saint Fiacre – de Jean Delannoy – 1959

Posté : 13 novembre, 2015 @ 1:40 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, d'après Simenon, DELANNOY Jean, GABIN Jean, Maigret | Pas de commentaires »

Maigret et l'affaire Saint Fiacre

La question de savoir qui est le meurtrier n’a aucune importance, et la confrontation finale de tous les protagonistes doit plus à Agatha Christie qu’à Simenon. Bref, tout l’aspect « film policier » est presque de trop… Pourtant, il s’agit bien là du meilleur Maigret tourné pour le cinéma, beau parce qu’il plonge dans l’intimité d’un personnage qui évite soigneusement de se dévoiler.

Pour sa deuxième apparition dans le rôle, Gabin prouve définitivement qu’il était le meilleur choix possible. Sa force tranquille, sa présence incroyable, font merveille dans ce voyage de Maigret vers son propre passé. Il y a derrière le regard fatigué de la star tout le poids de son enfance, et le long chemin si rempli qui sépare l’enfant du superflic arrivé au sommet.

On jurerait même que Gabin a joué ce rôle-là, dans ce film-là, comme s’il s’agissait de sa propre histoire : celle d’une star qui n’a plus rien à prouver, et se retourne vers le chemin parcouru. Le plus beau moment du film, c’est d’ailleurs cette première rencontre entre Maigret et la comtesse de Saint-Fiacre, devenue une vieille dame, qui confrontent avec espièglerie leurs souvenirs communs.

Cette scène toute simple et tout en légèreté est bouleversante. Aucune grandiloquence, aucun effet facile, juste un homme mur qui évoque sa vieille passion pour une femme qu’il a connue jeune et désirable, lorsque lui-même n’était qu’un gamin. C’est simple et juste, simplement beau.

La suite est plus convenue, mais réalisée sans aucun temps mort, et regorgeant de beaux moments : une scène de nuit dans un couloir désert, le souvenir de Maigret père qui surgit soudain… La nostalgie sied bien à Gabin.

* Voir aussi Maigret tend un piège et Maigret voit rouge.

Maigret tend un piège – de Jean Delannoy – 1957

Posté : 13 novembre, 2015 @ 1:35 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, d'après Simenon, DELANNOY Jean, GABIN Jean, Maigret | Pas de commentaires »

Maigret tend un piège

Il y a comme une évidence à voir Gabin endosser l’imper de Maigret, ce qu’il fait ici pour la première fois (… l’affaire Saint Fiacre et Maigret voit rouge suivront), comme il y avait une évidence à voir l’acteur incarner Jean Valjean. Il était comme ça dans les années 50, l’ancien prolétaire idéal d’avant-guerre : l’incarnation parfaite d’une certaine culture populaire française.

Comme Valjean version Gabin, Maigret version Gabin doit autant à son interprète qu’à l’imagination de Simenon. Pas que le film soit totalement irrespectueux de l’œuvre originale, bien au contraire : d’une certaine manière, Gabin EST Maigret, comme aucun autre interprète ne l’a été ou ne le sera après lui. Une force tranquille, une présence, une masse qui se déplace avec lassitude et écœurement dans un Paris de troquets, de petites gens et de paumés, où la violence est crue et les motifs plus cruels encore.

Maigret est Gabin, ou le contraire. Les doutes du commissaire de papier ont disparu au profit de la certitude omnisciente imposée par la présence de la star. Mais cette petite « trahison » n’a aucune importance. L’essentiel est bien là : Maigret est une sorte de catalyseur qui révèle la vérité des personnages, leurs secrets bien enfouis, les mesquineries de chacun. Et Gabin impose son rythme au film par son jeu si caractéristique.

Jean Delannoy, cinéaste méprisé par la Nouvelle Vague, signe un beau film d’atmosphère, un polar qui sait prendre son temps et se perdre dans les ruelles obscurs où le pêché reste tapi. Sa mise en scène est d’une grande efficacité, suggérant la violence sans rien édulcorer. Loin de l’image que ses détracteurs en donneront dans les années suivantes.

Bien sûr, Delannoy scénariste est épaulé par Michel Audiard, qui signe des dialogues magnifiques (« Vous êtes méchantes, mais surtout vous êtes bêêêtes !! »). Mais l’adaptation a aussi l’intelligence, malgré la présence de Gabin, de ne pas transformer le commissaire en surhomme. Grand psychologue et grand observateur, il reste jusqu’au bout un révélateur, laissant le travail d’enquêteur à cet inspecteur Lagrume trop rapidement élevé au rang de ridicule. C’est lui qui fait véritablement avancer l’enquête pendant que Maigret, las, balaye d’un revers de la main la preuve qu’on lui présente : « On verra ça plus tard ».

Bon réalisateur, bon scénariste, Delannoy se révèle aussi grand directeur d’acteur. Passons sur la prestation de Gabin, formidable mais absolument typique : tous les seconds rôles sont exceptionnels, qu’ils soient en valeur comme Jean Desailly en fils trop aimé ou, dans un autre registre, Annie Girardot en femme effacée, ou en retrait comme le débutant Lino Ventura, impeccable en jeune flic.

Un sans faute pour cette première aventure du commissaire Maigret Gabin. La qualité française avait du bon…

* Voir aussi Maigret et l’affaire Saint Fiacre et Maigret voit rouge.

Le Docteur Jivago (Doctor Zhivago) – de David Lean – 1965

Posté : 12 novembre, 2015 @ 12:47 dans 1960-1969, LEAN David | Pas de commentaires »

Docteur Jivago

David Lean est un grand cinéaste, que ses envies de grandeur n’ont jamais coupé de l’humanité la plus intime. Docteur Jivago est l’un de ses très grands films, un immense (dans tous les sens du terme) mélodrame que sa sensibilité et son lyrisme transcendent trois heures durant, trois heures qui filent comme ce souffle irrésistible de l’histoire qui balaye tout sur son passage.

Ceci étant dit, c’est aussi dans ce film que se trouve, sans doute, le passage le plus indéfendable de toute sa filmographie. Le plus détestable, et même honteux : cette ultime séquence des retrouvailles ratées entre Julie Christie et Omar Sharif, pour laquelle Lean, mystérieusement, laisse soudain libre cours à sa grandiloquence en oubliant toute la retenue et l’humilité qui font pourtant du film une merveille… jusque là.

Cette scène laisse un goût d’autant plus amer que durant trois heures, c’est du grand cinéma leanien que le réalisateur de Lawrence d’Arabie nous offre. Une fresque adaptée d’un roman anti-soviétique qui raconte les ravages d’un système niant l’individu et perdant ainsi toute humanité, dans la Russie de la guerre et de la révolution.

Il s’agit bien d’une charge féroce contre le régime communiste, mais ce n’est pas la politique qui intéresse Lean, qui se concentre sur les destins croisés de deux êtres balayés par cette folie ambiante, et sur les regards incroyables de ses deux acteurs principaux, victimes impuissantes et tragiques.

Les scènes épiques ne manquent pas, et Lean les réussit toutes magistralement. Pourtant, c’est dans les détails que le film touche au sublime. Dans ce lent et long voyage en train à travers l’immense plaine glacée surtout, parsemée de purs moments de grâces. Cet instant où la porte s’ouvre et révèle une sorte de tombeau de glace. Ou, surtout, ce bouleversant regard que Klaus Kinski, prisonnier politique grande gueule et arrogant, pose sur la tendresse d’un vieil homme envers sa femme. Peut-être le plus beau moment du film.

La Grande horloge (The Big Clock) – de John Farrow – 1948

Posté : 10 novembre, 2015 @ 6:59 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, FARROW John | Pas de commentaires »

La Grande horloge

Un reporter spécialiste des faits divers est chargé par son patron d’enquêter sur la mort d’une jeune femme. Mais le tout puissant patron, qui était l’amant de la victime, est le meurtrier, et entend bien faire porter le chapeau à un autre: un mystérieux inconnu qui a rencontré la jeune femme quelques heures avant sa mort. Ce qu’il ignore, c’est que cet inconnu n’est autre que le journaliste lui-même, forcé de donner le change au fur et à mesure que sa propre enquête resserre l’étau autour de lui…

Quarante ans plus tard, un remake plutôt pas mal transposera cette histoire assez fidèlement dans le décor du Pentagone (Sens unique, avec Kevin Costner et Gene Hackman). Mais sans égaler ce chef d’oeuvre de suspense, aussi irrésistible pour son intrigue génialement retorse que pour l’élégance et l’efficacité de sa mise en scène.

Sur un scénario de John Lattimer, à qui on doit déjà le formidable La Clé de verre ainsi que Ils ne voudront pas me croire, dont le script était déjà excellent, John Farrow signe sans doute son meilleur film, une véritable merveille narrative.

Hitchcockien sur le fond, Langien sur la forme, The Big Clock est un chef d’œuvre géométrique, qui évoque constamment une sorte de spirale infernale et sans issue, et dont la mise en scène élégante semble ne rien laisser au hasard.

Rien à jeter dans ce film noir qui procure un plaisir immense vision après vision. Charles Laughton, qui en fait des tonnes comme souvent, est savoureux. Ray Milland rappelle une nouvelle fois qu’il est un acteur intense et fin. Et les seconds rôles sont excellents : Maureen O’Sullivan (Mme Farrow à la ville), le racé George Macready… et surtout l’excentrique Elsa Lanchester, l’inoubliable Fiancée de Frankenstein, inoubliable dans son rôle d’artiste peintre totalement décalée.

Birdman ou (la surprenante vertu de l’ignorance) (Birdman or (the unexpected virtue of ignorance)) – de Alejandro Gonzales Inarritu – 2014

Posté : 10 novembre, 2015 @ 2:02 dans 2010-2019, INARRITU Alejandro Gonzales | Pas de commentaires »

Birdman

Une ancienne star hollywoodienne considéré comme un has been, qui a connu son heure de gloire vingt ans plus tôt en interprétant un superhéros au cinéma, tente de revenir sur le devant de la scène en montant une pièce qu’il a écrite lui-même. Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Alejandro Gonzales Inarritu et ses choix radicaux, et rien (enfin, le Golden Globe quand même) pour Michael Keaton.

Sans lui pourtant, le film ne serait pas le même et n’aurait pas cette puissance. Le choix de Keaton et ce que l’histoire renvoie à sa propre histoire, est au cœur du film : difficile de ne pas penser à sa carrière en berne depuis qu’il a raccroché la cape de Batman en 1992. L’acteur joue à la fond la carte de l’autocitation. Dans une interprétation fiévreuse hallucinante, il se confronte avec beaucoup de dérision, mais aussi une énorme dose de cruauté, à son parcours et à son image de star sur le déclin et d’homme vieillissant, se montrant bien peu à son avantage dans des scènes où il expose son corps et sa calvitie sans le moindre fard.

« Why don’t I have any self respect ? »

Michael Keaton rappelle une évidence qu’on n’a que trop rarement l’occasion de vérifier : il est un acteur génial, aussi doué pour la comédie que pour la tragédie, pour la légèreté que pour la gravité. Inarritu tire le meilleur de lui, comme de tous les acteurs. Edward Norton en vedette à l’égo énorme, Zach Galifianakis en agent au bord de la crise de nerf, Naomi Watts en actrice névrosée, Emma Stone en fille étouffée par un père trop dévoué à son art… Tous réussissent là l’une des plus belles prestations de ces dernières années.

Birdman est le portrait glaçant d’un homme habité par sa propre trajectoire et par la création artistique. C’est aussi une critique franchement virulente du monde du spectacle, avec cette jeune star des planches prêt à tous les excès et toutes les horreurs pour aller au bout de son art, ou cette critique d’un grand journal qui ne cache même plus qu’elle profite de son pouvoir pour régler ses comptes. On sent bien que le cinéaste règle les siens au passage…

« You’re an actress, honey »

Sur la forme, le film est impressionnant. Filmé sans coupure apparente (sauf lors de la grande rupture finale, dont je ne dirai rien ici), Birdman est un film brillant et incroyablement dynamique. Mais où le style prend trop souvent le pas sur l’émotion et la puissance narrative. Trop clinquant et tape-à-l’oeil, donc, tout particulièrement avec ce dernier plan faussement mystérieux, effet facile et agaçant qui laisse une impression en demi-teinte.

* DVD Fox/Regency, avec en bonus un très intéressant making-of.

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