La Route impériale – de Marcel L’Herbier – 1935
L’Herbier aborde un genre particulièrement en vogue ces années-là: « le film de troupes dans les colonies ». Sauf qu’ici on ne parle pas de colonies, mais du grand empire britannique, dont l’intégrité est menacée par les agissements de quelques rebelles au fin fond de l’Irak : cette production française, tournée en français avec des acteurs majoritairement français, se situe du point de vue de la fière Angleterre, avec omniprésence de God Save The Queen et de l’Union Jack.
L’Herbier est un grand formaliste, et il le prouve une fois de plus ici, avec quelques images magnifiques, comme ce soldat « crucifié » au sommet d’une dune face au soleil. Une image terrible et graphiquement impressionnante. Mais, et c’est loin d’être systématique dans son cinéma, il place les acteurs au coeur de son histoire, faisant de ce grand film d’aventures exotiques un drame intime et une exploration des affres de la culpabilité.
Après une première demi-heure plaisante mais assez classique, La Route impériale finit de ressembler à tant d’autres films du genre lorsqu’il dévoile son vrai sujet, inattendu. Lorsque son héros, jeune lieutenant en quête de rédemption et désireux de prouver sa vaillance et sa fidélité à la couronne, est subitement privé de l’acte de bravoure attendu pour un simple quiproquo digne d’un vaudeville. Forcé d’observer du haut d’une tour dorée un autre accomplir son rôle de héros…
Dans le rôle de ce héros contrarié, Pierre Richard-Willm est parfait, passif dépressif un peu trop porté sur l’autoflagellation. Kathe von Nagy, malgré un accent très peu british, est superbe dans un très beau rôle de tragédie. Mais le plus impressionnant est peut-être Pierre Renoir, dans un emploi d’officier un peu trop raide qu’il connaît par cœur, mais qu’il incarne avec une justesse rare.
C’est quand L’Herbier reste au plus près de ses personnages que le film est le plus réussi. On passera ainsi sur l’attaque finale, impressionnante mais un peu impersonnelle, pour retenir surtout quelques grands moments de tension. Celui où les trois jeunes officiers se disputent aux cartes le droit d’aller se faire tuer avec les honneurs. Ou celui du peloton d’exécution. Deux séquences que l’on regarde le souffle coupé.