Alibi meurtrier (Naked Alibi) – de Jerry Hopper – 1954
Eh non, Dirty Harry n’a pas été le premier flic aux méthodes expéditives montré du doigt par l’opinion publique et sa hiérarchie. Avant lui (bien avant lui, même), il y a eu l’inspecteur chef Joe Conroy, interprété par l’impeccable et hiératique Sterling Hayden, héros obstiné et discutable de ce petit film noir dont on jurerait qu’il a inspiré Siegel de près ou de loin.
Près de vingt ans avant le classique de Siegel, Jerry Hopper raconte l’histoire d’un flic bien décidé à faire tomber celui dont il est persuadé qu’il est un tueur, par tous les moyens. Sans preuve, mais en le harcelant, en le poussant à bout. En chemin, le flic va être destitué, et son boulot va prendre la forme d’une véritable obsession qui va le conduire loin de son terrain de chasse habituel, à la frontière mexicaine.
Jerry Hopper n’est pas un immense cinéaste. De lui, on connaît surtout Ne dites jamais adieu, dans lequel le jeune Clint Eastwood tenait l’un de ses premiers tout petits rôles. Mais il fait le job efficacement et sans temps mort. Et puis il peut compter sur la splendide photo de Russell Metty (Le Secret magnifique, La Soif du Mal, Spartacus…), tout particulièrement lors des nombreuses scènes de nuit qui jouent magnifiquement sur la profondeur de l’obscurité.
Quant au scénario, il est plutôt malin et original. Le personnage de grand méchant manque sans doute de relief, mais il est loin des clichés du genre : un père de famille qui cache derrière sa façade d’homme tranquille une double-vie et de terribles accès de violence. Sterling Hayden est taiseux et raide comme la justice? Mais il a une présence magnétique incroyable. Et il y a Gloria Grahame, toujours bouleversante, « destin tragique » gravé sur le front.
Tout en reposant sur des ressors plutôt classiques du film noir, Naked Alibi surprend constamment par ses ruptures de rythme, ses changements de décor, ses explosions de violence et ses longs moments de calmes. Une perle noire de plus à sortir de l’oubli…