Play it again, Sam

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Archive pour le 3 novembre, 2015

La Charge des Tuniques Bleues (The Last Frontier) – d’Anthony Mann – 1955

Posté : 3 novembre, 2015 @ 3:20 dans 1950-1959, MANN Anthony, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Charge des tuniques bleues

A quoi c’est dû, quand même… A cause d’une jaquette hideuse (celle de la collection « Western Classics » de Columbia), voilà que ce western pourtant signé Anthony Mann, et jamais vu, traînait dans mes étagères depuis Noël. Il était temps, donc, surtout que ce Mann-là, comme à peu près tous ses films d’ailleurs, est une merveille.
Le thème est « mannien » par excellence, avec ce personnage de Victor Mature, trapeur qui a toujours vécu au plus près de la nature dans un Ouest encore très sauvage, et qui est confronté brutalement à la civilisation, à ses tentations, à ses dangers, et à ses contraintes.

La patte de Mann est là, omniprésente : cette façon unique de filmer la nature, en jouant avec ses courbes, sa profondeur, ses mouvements. Ce Mann-là est au tournage en extérieur ce que le Mann des années 2000 (Michael) est au numérique : un génie absolu. Personne, sans doute, n’a ce talent pour intégrer les acteurs dans le paysage. Il l’avait fait avec Stewart dans L’Appât de manière quasi-expérimental. Il le fait ici avec Mature en étant constamment au service de l’histoire.

Et en réservant quelques surprises étonnantes et passionnantes, à l’image de cette première rencontre des « blancs », Victor Mature et James Whitmore en habits de trappeurs, avec les Indiens, vêtus de chemises à carreaux et visiblement plus familiers de la civilisation. Cette scène fascinante ne ressemble à aucune autre et suffit à planter le contexte : ces trappeurs qui vivent en accord avec les Indiens depuis toujours, et cet équilibre remis en cause par l’arrivée des soldats qui menace le mode de vie de ce peuple…

Mann évite consciencieusement tout manichéisme. L’officier du fort est une ordure, certes, mais guidé par ce qu’il considère être son devoir. Et son second est un homme bon et profondèment honnête. Quant au trappeur Mature, représentant d’une harminie révolue, il se glisse avec difficulté mais volonté dans son nouveau costume de militaire « civilisé ». L’acteur trouve là l’un de ses très grands rôles (avec le Doc Holiday de My Darling Clementine), touchant et très convainquant en « ours des bois » qui cherche gagner son droit d’accès à la société.

Visuellement, le film est une splendeur, d’une richesse immense. Que ce soit dans les séquences du fort ou dans celles des expéditions extérieures, dans les moments intimes ou dans les morceaux de bravoure, Mann rappelle constamment la présence de la nature et ses rapports conflictuels avec l’homme. Deux scènes sont particulièrement impressionnantes dans ce registre : celle où Mature retrouve les soldats en déroute dans les sous-bois plongés dans l’obscurité, et celle de l’embuscade dans une clairière entourée par un danger mortel dissimulé parmi les arbres. Du grand Mann.

En cas de malheur – de Claude Autant-Lara – 1958

Posté : 3 novembre, 2015 @ 3:17 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, AUTANT-LARA Claude, d'après Simenon, GABIN Jean | Pas de commentaires »

En cas de malheur

La rencontre entre Gabin, avocat digne et vieillissant, et Barbot, gamine rebelle et paumée, est un choc des mondes passionnant, qui révèle les fêlures de ces deux êtres que tout oppose a priori. La dernière partie du film est un sommet tragique qui souligne le gâchis de ces vies perdues. Mais entre-deux, Autant-Lara rappelle pourquoi il a si mauvaise réputation, hélas.

Il y a un grand ventre mou (et je ne parle pas de celui de Gabin) dans cette « histoire d’amour » sinistre et glauque, dont la mise en scène est soignée et très appliquée du réalisateur est la principale responsable. Dénuées de toute dramaturgie, de toute profondeur, et même de toute élégance, les images d’Autant-Lara sont souvent d’une platitude qui plombe le film.

Mais le scénario de Pierre Bost, adapté d’un roman de Simenon, et les dialogues de Jean Aurench sont brillants (« Elle ne t’a pas aimé ta mère ? – Pas trop »). Et sans rien filmer explicitement, Autant-Lara va loin, évoquant les pulsions sexuelles de Bardot, et surtout un triangle sexuel avec la bonne, lors d’une étonnante séquence de séduction particulièrement osée (même si absolument rien n’est montré).

Et puis il y a les acteurs. La tragique sensualité de Bardot, et Gabin, massif, qui semble étouffer « l’innocence » de sa cliente. Gabin qui profite de son ascendence sur cet objet du désir. Gabin qui tourne littéralement le dos à la souffrance terrible de sa femme, tragique Edwige Feuillère. Un avocat sans limite, un homme peu sympathique, que l’acteur ne cherche pas à défendre, son interprétation parfaite soulignant au contraire sa petitesse et son égoïsme. Rien que pour lui…

Les Incorruptibles (The Untouchables) – de Brian DePalma – 1987

Posté : 3 novembre, 2015 @ 3:15 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, COSTNER Kevin, DE NIRO Robert, DE PALMA Brian | Pas de commentaires »

Les Incorruptibles

Ce n’est à l’évidence pas le plus personnel film de De Palma. Lui qui, une dizaine d’années plus tard, saura s’approprier son autre adaption de série TV culte (Mission Impossible, donc), se met ici totalement au service de la production, en mettant de côté les thèmes habituels de sa filmographie, mais en lui réservant tout de même le meilleur de son savoir-faire.

Ajoutez à cela une très belle reconstitution de ce Chicago de la Prohibition, très appliquée, et vous obtiendrez un grand film de genre. Un peu propret toutefois, et sans les aspérités que l’on aimerait voir, mais réjouissant de bout en bout. Le scénario de David Mamet, remarquablement construit, n’y est pas pour rien. De même que la musique très inspirée (et très présente) de Morricone.

Les acteurs aussi sont formidables. De Niro cabotine à mort, le vétéran Connery et le jeunôt Garcia dévorent l’écran, et Costner a une classe folle dans le rôle qui inaugure sa période glorieuse, avec ce jeu effacé que certains prennent pour de la transparence.

Mais c’est bien quand le cinéaste laisse aller son inspiration visuelle et sa logique cinéphile que le film atteint des sommets. C’est évidemment le cas lors de la fameuse séquence de la gare, hommage appuyé et impressionnant au Cuirassé Potemkine et scène d’anthologie qui justifie à elle seule l’existence du film. Ralenti et tension incroyable, maîtrise parfaite de l’espace : cette séquence rentre dans le panthéon des grandes scènes de gare du cinéma de De Palma (oui, il y a un panthéon pour ça), avec celle de Blow Out, et surtout celle de L’Impasse.

Il y a bien d’autres grands moments : la rencontre avec Sean Connery, l’exécution du cadavre à la frontière canadienne, la mort de Charles Martin Smith, ou le saut de l’ange de Billy Drago. Les Incorruptibles, malgré son aspect par moments trop lisse par rapport à la violence de son sujet, est clairement l’une des grandes réussites du cinéma de genre des années 80.

Fear and Desire (id) – de Stanley Kubrick – 1953

Posté : 3 novembre, 2015 @ 3:11 dans 1950-1959, KUBRICK Stanley | Pas de commentaires »

Fear and Desire

A voir l’incroyable filmographie de Stanley Kubrick, on est évidemment frappé par la quantité de classiques qu’elle recèle, mais aussi par la singularité de chacun de ses films: jamais le cinéaste n’est revenu à ce qu’il avait déjà fait, explorant tous les thèmes du cinéma sans jamais y revenir.

A une exception près: le film de guerre, qu’il a exploré (de manières très différentes) dans Les Sentiers de la gloire et Full Metal Jacket, ainsi que dans son tout premier long métrage, qu’il a lui-même tout fait pour faire disparaître. Kubrick aurait fait détruite plusieurs copies du film, et en a bloqué toute exploitation de son vivant. La première édition DVD n’est d’ailleurs arrivée que plus de dix ans après sa mort.

Fear and Desire est, de fait, loin des chefs d’œuvre à venir de Kubrick. Le film est court (une heure seulement), mais le rythme est lent, long, provoquant parfois l’ennui à cause d’innombrables maladresse. La voix off omniprésente semble même n’être là que pour donner une sorte de consistance au film.

Il est déjà ambitieux pourtant, Kubrick : on sent bien qu’avec ce film, il tente de signer une allégorie de la guerre, en voulant à tout prix échappper à une histoire classique et aux poncifs du genre.

Mais ses choix se révèlent souvent plus lourds qu’audacieux: la guerre n’a pas de nom, parce que l’histoire de ces hommes perdus en territoire ennemi est universelle… Et pour interpréter les officiers des deux camps opposés, Kubrick fait le choix d’utiliser les mêmes comédiens, qui jouent donc des rôles similaires, mais dans les deux armées. Une manière de souligner que c’est la guerre qui oppose les hommes, qu’au fond on est tous semblables… De bonnes intentions, donc, mais bien lourdement réalisées.

Finalement, Fear and Desire est essentiellement un document passionnant, sur la jeunesse d’un cinéaste en construction, qui n’a pas encore tout à fait les moyens de ses ambitions. ça n’allait pas tarder à changer…

Basic Instinct (id.) – de Paul Verhoeven – 1992

Posté : 3 novembre, 2015 @ 3:08 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, VERHOEVEN Paul | Pas de commentaires »

Basic Instinct

Le pic à glace, la beauté impériale de Sharon Stone, ses jambes qui se décroisent, Michael Douglas qui n’y tient plus en jean trop moulant, l’apparition intrigante de Dorothy Malone, les rues chargées de références de San Francisco…

A revoir Basic Instinct plus de vingt ans après sa sortie, on est frappé de réaliser à quel point les images marquantes de ce film ont été nombreuses. Et parmi elles, bizarrement, pas vraiment les scènes de sexe, certes nombreuses et assez osées pour l’époque, mais qui semblent presque sages aujourd’hui.

Il faut dire que le film a ouvert tellement de portes (et en tellement grand) que ces scènes de sexe n’ont plus la même puissance et ne procurent plus le même trouble en soi. Mais ce qui reste particulièrement troublant, et d’une manière rarement égalée, c’est l’atmosphère du film, et la manière dont Paul Verhoeven a réussi à mettre en image le trouble de ses personnages.

Le film est clairement une variation sur le thème de Sueurs froides. Une séquence de filature dans les rues de San Francisco (un décor pas choisi par hasard) évoque d’ailleurs ouvertement le film d’Hitchcock. Le vrai thème du film, c’est l’obsession mortifère de Michael Douglas, qui ressemble à s’y méprendre à celle de James Stewart dans le film d’Hitchcock. Avec une différence, quand même : le sexe justement, nettement plus explicite.

Mais on le regretterait presque. Pas que l’idée de voir Sharon Stone ou Jeanne Triplehorn nues soit particulièrement insupportable, remarquez ! Mais ces scènes qui ont fait le succès du film viennent souvent désamorcer la tension sexuelle incroyable qui habite les personnages. Pire, elles sont parfois un peu maladroites, voire franchement lourdingues, comme ce faux suspense tout pourri avec le pic à glace, que Verhoeven nous sort tout au long du film.

Reste que Basic Instinct est un thriller remarquablement construit et d’une efficacité redoutable, l’un des meilleurs de ces années-là.

Bad 25 (id.) – de Spike Lee – 2012

Posté : 3 novembre, 2015 @ 2:49 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, LEE Spike, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Bad 25

Depuis une vingtaine d’années, Spike Lee alterne films de fiction et documentaires, tout en gardant une vraie cohérence dans le choix de ses sujets: un portrait du footballeur Jim Brown, une série de films sur les effets de l’ouragan Katrina… Lee reste l’étendard de la population noire américaine. Le voir s’intéresser au King of the Pop Michael Jackson n’est donc pas exactement une surprise…

Commandé à Lee à l’occasion des 25 ans de l’album Bad, Bad 25 est un film de montage, constitué essentiellement d’images d’archives, souvent rares, et d’interviews d’époque. L’unique bémol vient d’ailleurs des images tournées pour le film : des entretiens avec des proches de Michael, qui tendent tous vers cette apogée détestable, une longue série de gros plans interminables sur ces proches qui tentent de retenir leurs larmes à l’évocation de la mort de Michael. Totalement impudique et outrancier.

Vraiment dommage, parce que ce docu a par ailleurs de la gueule. Même si les images ne sont pas de lui, Spike Lee transforme ce film de commande en une œuvre finalement très personnelle, grâce à un montage original et totalement subjectif.

Portrait d’une mégastar au sommet et forcément en plein doute (comment faire mieux après le triomphe historiqie de Thriller, son précédent album), Bad 25 plonge au cœur du processus créatif de l’artiste, les images d’archives et les interviews évoquant à tout de rôle toutes les chansons de l’album : les dessous de leur écriture, leur enregistrement, la manière dont elles ont été accueillies…

Pas besoin d’être un immense admirateur de Michael Jackson (bon… mieux vaut quand même ne pas y être allergique): ce docu habité et passionnant apporte un regard neuf et sur la gestation d’un monument de la musique pop.

 

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