L’Inhumaine – de Marcel L’Herbier – 1923
Il y a deux, trois (voire plus encore) films en un dans cette très étrange Inhumaine signée par un L’Herbier désireux d’expérimenter et de se frotter à la modernité.
Etranges : les décors à l’architecture très art-déco, qui ont pris un sacré coup de vieux, mais qui participent pleinement au parti-pris esthétique assez radical. Avec de belles idées, fascinantes, comme ces serviteurs flanqués de masques souriants et anonymes qui les privent de toute existence propre.
Etranges aussi : les ruptures de ton et les changements radicaux de rythmes adoptés par un cinéaste visiblement plus intéressé par les possibilités narratives du cinéma que par la direction d’acteurs.
De fait, ces derniers ne sont pas pas particulièrement à l’honneur. Un peu statiques en ce qui concerne la cantatrice. Franchement caricaturaux pour les différents prétendants qui constituent sa « cour ».
La première moitié du film est brillante. En faisant de son personnage principal de cantatrice une « reine en son royaume » entourée d’hommes qui la convoitent et dont elle se moque éperdument, L’Herbier signe une oeuvre forte, décortiquant les effets ravageurs de son manque d’empathie. Sur le fond, le film est alors assez classique. Dans la forme, il se révèle passionnant dans sa manière d’étirer le temps pour faire sortir suspense et émotion.
La dernière partie tourne au fourre-tout, et parfois au grand-guignol, pour ne pas dire au grand n’importe quoi, avec notamment une histoire inattendue et poussive de savant fou que L’Herbier (et son co-scénariste Pierre MacOrlan) semble n’avoir écrit que pour donner lieu aux expérimentations visuelles les plus folles.
En ressort quand même une extraordinaire séquence de pur suspense, avec un serpent venimeux glissé dans une voiture lancée à pleine vitesse, rendue absolument inoubliable grâce à un montage virtuose qui garde toute sa puissance.
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