Le Bord de la rivière (The River’s Edge) – d’Allan Dwan – 1957
Jamais sorti en salles en France, ce film tardif de Dwan (il ne tournera plus qu’une poignée de longs métrages) est pourtant une véritable perle, film noir aux allures de western, avec des ingrédients de film d’aventures et de romance. Une vraie curiosité et une totale réussite.
Ce qui frappe surtout, c’est à quel point The River’s Edge trouve sa place dans le « corpus » des films de Dwan produits par Benedict Bogeaus. Que ce soit visuellement avec ces couleurs chaudes et ce grain si marqué, ou dans l’esprit avec ce mélange des genres et cette grande liberté de ton, le film fait penser aux précédentes réussites du tandem, à commencer par Deux rouquines dans la bagarre.
Dès la première séquence, avec cette voiture rose traversant l’écran (et le désert), puis l’apparition de cette rousse flamboyante (Debra Paget), la parenté entre les deux films saute aux yeux. Il y a aussi la confrontation du bien et du mal, et la manière dont ces deux notions s’affrontent chez un même personnage. Dans ce triangle (amoureux ?), Dwan s’intéresse moins à la confrontation des deux hommes qu’à l’effet qu’a sur eux cette mallette d’argent que trimbale Ray Milland.
Milland, étonnamment en retrait, apporte une présence naturelle à son personnage, escroc qui retrouve son ex-complice (Debra Paget) mariée avec un pauvre rancher (Anthony Quinn) avec qui il espère passer la frontière mexicaine avec son butin. C’est une randonnée mortelle qui commence, comme dans beaucoup d’autres films avant et depuis (Le Voyage de la peur, Randonnée pour un tueur…). Mais avec une frontière bien ténue qu’il n’y paraît entre le bien et le mal.
Dans ce registre, Anthony Quinn est formidable. D’une sobriété exemplaire (ce ne sera pas toujours le cas), il donne à son personnage une puissance impressionnante, et ce qu’il faut de trouble pour lui apporter une vraie profondeur. Un type bien, oui, mais titillé par cet argent facile à portée de main…
Dwan, dont on ne compte plus les films (200 ? 300 ?), est encore au sommet de son art. D’une fluidité absolue, bourrée de belles idées de scénario et de mise en scène, et d’une liberté totale, The River’s Edge oscille constamment entre suspense, romance et affrontement psychologique, entre légèreté (la première scène, assez drôle) et cruauté (la mort du douanier), mais avec un sentiment d’évidence qui force le respect.
Reste un mystère : pourquoi ce bijou est-il resté invisible chez nous si longtemps ?
* Il ne l’est plus désormais (inédit) grâce à Sidonis/Calysta qui édite un beau DVD (hors collection), avec les habituelles présentations par Patrick Brion, François Guérif et Yves Boisset.
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