L’Espion qui venait du surgelé (Le Spie vengono dal semifreddo) – de Mario Bava – 1966
Un titre pareil pour un film signé Mario Bava avec Vincent Price… Difficile de ne pas être intrigué ! Bon, une chose est sûre : ni Bava, ni Price n’ont jamais revendiqué cette parodie de films d’espionnage (on est en pleine Bondmania) comme étant l’un des fleurons de leurs riches filmographies respectives. On les comprend.
Cette chose improbable, foutraque et lourdingue, est sans doute représentative de tout un pan du cinéma bis italien des années 60. Loin de moi l’idée de lui enlever tout intérêt socio-historique… Mais quand même, faut bien reconnaître que c’est du grand n’importe quoi. Une sorte d’OVNI hallucinant où Vincent Price fabrique des bombes sexuelles (dans tous les sens du terme) à la chaîne, où un officier militaire se laisse berner par un barbu déguiser en nonne, où les personnages se lancent dans des apartés face caméra, où une montgolfière prend en chasse et aborde un avion bombardier…
Ce pourrait être drôle finalement, et ça devient plutôt amusant lorsque Bava se met enfin à assumer l’aspect burlesque de son film, qui se transforme en hommage au cinéma muet avec cartons qui remplacent les dialogues, lors d’une course-poursuite délirante dans un parc d’attraction. Mais la plupart du temps, c’est juste lourdingue, l’essentiel des gags étant assurés par Franco et Ciccio, un tandem comique qui a connu son heure de gloire en Italie, mais dont l’humour me reste totalement obscur : des grimaces, un brin de vulgarité, et des improvisations clownesques qui tombent systématiquement à plat.
Quant à la « patte Bava », son sens unique de l’image, il est ici méconnaissable. Son film est visuellement plat et assez laid, et on sent bien que le réalisateur de Duel au couteau et du Masque du Démon s’est rapidement désintéressé de cette obscure production, née d’une double ambition : donner une suite à Dr. Goldfoot and the Bikini Machine, un petit film américain qui avait connu un beau succès… et donner une suite à Due Mafioso contro Goldginger, qu’avaient commis le Franco et Ciccio peu avant.
D’où l’impression d’assister à deux films différents : l’un autour de Goldfoot, toujours interprété par Price, et l’autre autour des deux idiots. Il existe d’ailleurs deux versions du film. La version « originale » italienne (que je n’ai que survolée) donne la part belle à Franco et Ciccio, et à leurs interminables gags. Pour la sortie américaine, les producteurs ont proposé un montage très différents (celui que j’ai vu), coupant des scènes entières des deux comiques et replaçant Vincent Price au centre du film.
Surtout, cette version américaine redonne de l’importance à la jeune Laura Antonelli, en passe de devenir une star. Fâchée avec sa starlette sur le tournage, Bava avait coupé beaucoup de ses scènes. Le montage US lui redonne un rôle important. Pas bête : sublime, Antonelli passe la plus grande partie du film en bikini, laissant apparaître une anatomie parfaite. De quoi supporter l’inanité du projet…
* Artus Films a réservé une très belle édition à cette curiosité, avec un double DVD qui regroupe les deux montages en VO (mais aussi deux doublages français différents pour la version US) dans un très bel écrin de sa collection Cine Fumetti. Et un bonus passionnant : une présentation du film par Eric Peretti, qui revient avec érudition et clarté sur la genèse improbable du film et de ses deux versions.