Suspiria (id.) – de Dario Argento – 1977
Argento a déjà signé quelques monuments du cinéma d’épouvante, lorsqu’il s’attelle à Suspiria. Mais ce film marque un nouveau départ pour le cinéaste italien, qui touche pour la première fois au fantastique, dimension dont il ne se départira quasiment plus par la suite.
Les ressors de la peur ne sont pourtant pas très différents de ses précédents films, jouant tout à la fois sur des effets faciles (apparition soudaine d’éléments extérieurs dans le cadre…) que sur l’élaboration d’une atmosphère d’angoisse perpétuelle. Et c’est là que l’art d’Argento est le plus élaboré, et le plus impressionnant.
Pour créer cette atmosphère presque irrespirable par moments, tous les moyens sont bons : attarder la caméra sur des jeux d’ombre dont les formes mouvantes se font menaçantes au gré de l’imagination du spectateur, baigner ses décors baroques dans des lumières bleues ou rouges vives et tranchantes (le film est l’un des derniers à utiliser le Technicolor), et saturer la bande son d’une musique électro stridente qui crée un sentiment de malaise et d’inconfort constant.
Avec Suspiria, Dario Argento s’impose comme un double transalpin du John Carpenter (l’élégance en moins) ou du Brian De Palma (le grand-guignol en plus) de cette époque : des cinéastes qui jouent sur les peurs enfantines. Devant sa caméra, les divagations de Jessica Harper (vue justement dans Phantom of the Paradise de De Palma) dans les couloirs de l’académie de danse qui sert de décors au film évoquent une version gore et traumatisante du pays des merveilles d’Alice.
On aurait envie de rire des personnages parfois trop caricaturaux, des effets parfois grotesques… On aurait envie de s’agacer de la simplicité de l’intrigue (juste un mystère, opaque, autour de morts violentes au sein de cette académie de danse)… Envie de dire que ces meurtres brutaux, ces gueules improbables, cet ésotérisme maléfique, on les a vus mille fois déjà. Mais on est trop oppressés, trop effrayés pour cela.
C’est too much bien sûr, mais quelle trouille ! Argento utilise tous les moyens à sa disposition pour arriver à ses fins : balader le spectateur, et le conduire au coeur du sentiment dominant de sa filmographie, la peur, profonde, lancinante, traumatisante…
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