Gone Girl (id.) – de David Fincher – 2014
Le jour de son anniversaire de mariage, une jeune femme (Rosamund Pike) disparaît mystérieusement. Son mari idéal (Ben Afflek) affiche aux yeux du grand public un manque d’émotion forcément suspect… Un sujet passionnant et intriguant pour ce nouveau thriller de Fincher. Pas de tueur en série, pour une fois, mais une plongée complexe et fascinante « derrière les rideaux » : ceux des fenêtres de ce couple en apparrence parfait, et ceux que se créent les personnages entre eux.
La première heure est exceptionnelle, parce que la tension repose sur le doute. Ben Afflek a-t-il tué sa femme ? L’image de bonheur que son couple dégageait était-elle fabriquée de toutes pièces ? Fincher joue , comme souvent, sur l’image et la mise en scène pour tromper son monde, et crée un décalage constant entre l’horreur de la situation et la posture des personnages.
Il y a le sourire ultra bright de Ben, pour commencer, qui semble étrangement déplacé. Il y a aussi la présence étouffante des beaux parents, totalement maîtres de leurs postures, qui ont fait de la mise en scène le principe même de leur vie et de « l’éducation » de leur fille, transformée en modèle fantasmée dès son plus jeunes âge : cette fille de chair et de sang n’est qu’un brouillon pour la « vraie » fille, héroïne de romans créée par les parents écrivains.
Il y a dans Gone Girl une vision effrayante de la famille et du rapport aux parents, dénué (pour la marie comme pour l’épouse) du moindre sentiment d’amour. Une absence troublante dont Fincher ne fait pas le sujet central, mais qui pèse constamment sur le film, créant un profond malaise. Une absence de spontanéité aussi, la moindre action des personnages semblant guidée par un objectif mystérieux.
Définitivement débarrassé des trucs de clipeux de ses débuts, Fincher est devenu un cinéaste élégant, classique et classieux, à la mise en scène d’une intelligence redoutable, toujours au service de l’histoire et de l’émotion, quel qu’il soit. Gone Girl est une nouvelle preuve éclatante de son talent quasi-unique dans le cinéma américain actuel.
On peut regretter, quand même, le tournant que prend le scénario au bout d’une heure. En privant le spectateur du plaisir immense du doute lancinant, Fincher bifurque alors vers un autre film, tout aussi retors mais un peu plus convenu. Et là, je me demande bien ce que je pourrais dire de plus sans priver le futur spectateur de ce mystère si jouissif… Rien, sans doute. Si ce n’est qu’un Fincher un peu frustrant reste un film hors du commun…
* Le film est édité en DVD chez Fox, dans un bel écrin, et avec un commentaire audio de David Fincher.
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