Impact (id.) – d’Arthur Lubin – 1949
Un petit miracle que ce film noir bien fichu et captivant. Non pas qu’il s’agisse d’un sommet du genre : il manque à Impact un grand directeur de la photo, un peu de hargne dans la mise en scène, ou encore des dialogues plus percutants, pour en faire l’égal de La Griffe du passé, chef d’oeuvre absolu auquel on pense immanquablement (sans doute pour cette petite ville et cette station service où le « héros » trouve refuge).
Non, si Impact est une si bonne surprise, c’est parce qu’on ne s’attend pas à un film aussi riche et rythmé de la part d’Arthur Lubin, réalisateur attitré de la série des Francis, celui aussi qui a offert quelques-uns de ses premiers (petits) rôles au jeune Clint Eastwood, dans des films la plupart du temps tantôt très légers, tantôt très sirupeux, et souvent très indigestes (La VRP de choc, un monument !).
Mais là, dans un genre qui n’est pas le sien, Lubin se révèle très à l’aise. Les images sont proprettes, malgré quelques plans plus inspirés (une belle manière de faire monter la tension en filmant, de loin, une voiture sinuant sur une route de montagne baignée d’une légère brume), mais le rythme est impeccable. Et Lubin réussit parfaitement à ne jamais faire retomber le souffle du film, malgré les ruptures de ton continuels.
Car s’il est un authentique film noir, avec femme fatale, destin qui s’en mêle, et tous les ingrédients du genre, Impact se permet de longues parenthèses. Homme d’affaire trahi par sa femme et laissé pour mort, Brian Donlevy se laisse tenter par une nouvelle vie dans une petite bourgade si américaine (la passion de la mécanique, l’omniprésence de la religion, l’importance de la communauté… tous les States, quoi), laissant sa femme se faire accuser de son meurtre.
Cette nouvelle vie aurait pu n’être qu’évoquée, pour mieux se concentrer sur le procès de la femme. Mais non, Lubin consacre près de la moitié de son métrage à cette nouvelle jeunesse, véritable film dans le film. Et c’est absolument passionnant, notamment parce que Brian Donlevy, acteur puissant souvent un peu raide, révèle une sensibilité à laquelle il nous a peu habitué, et que son interprétation intense et nuancée souligne tous les sentiments de cet homme trahi : la haine, l’innocence retrouvée, et le poids du destin…
A ses côtés, la douce Ella Raines et la peste Helen Walker (qui porte la duplicité sur son joli minois) sont parfaites. Et dans le rôle du flic plus malin que les autres, Charles Coburn a certes l’âge d’être le père d’un flic retraité. Mais on a toujours un plaisir fou à retrouver la trucculence de vieille baderne.
Un chef d’oeuvre ? Non. Mais une très belle surprise qui peut, tout au moins, concourir pour le titre de « meilleur film d’Arthur Lubin ».