La Féline (Cat People) – de Jacques Tourneur – 1942
C’est un peu le maître étalon du film d’épouvante des années 40, le film qui a réinventé l’esthétique du genre, et représente le mieux la « marque » de la RKO. Suggérer plutôt que montrer… Prenant le contre-pied des films de monstre de la Universal, Jacques Tourneur et le producteur Val Lewton imaginent une autre forme de peur, basée sur l’imagination du spectateur.
La Féline est un film imparfait, qui n’évite pas certaines longueurs, et n’a pas la profondeur de Vaudou, autre film du tandem Lewton-Tourneur. Les personnages, d’ailleurs, manquent un peu de profondeur, à l’exception de celui de Simone Simon, dans le rôle de sa vie, qui la marquera à jamais. Fascinante, l’actrice trouve l’équilibre parfait entre l’innocence la plus pure et la hantise d’un mystérieux héritage.
Immigrée venue d’un pays de l’Est, son personnage est marqué par une vieille malédiction qui prive les jeunes femmes de vivre leurs histoires d’amour. Après une introduction pas vraiment palpitante, le film prend une autre dimension lorsque cet héritage mystérieux prend forme, avec l’apparition d’une femme au physique très félin dont l’unique mot prononcé dans une langue étrangère glace le sang…
C’est évidemment quand il s’agit d’évoquer la peur que le film touche au génie, dans une série de séquences étirées à l’extrême et absolument formidables. Celle de la piscine, surtout, est un véritable chef d’œuvre, jouant merveilleusement sur les ombres, les reflets de l’eau sur le plafond, et le son pour souligner la peur de la jeune femme menacée par une forme féline que l’on ne fera qu’entrapercevoir… et faire naître celle du spectateur.
Le choix de suggérer plutôt que de montrer fut sans doute dicté par les contraintes budgétaires du film (comme Minnelli le montrera dans Les Ensorcelés, clin d’œil à peine masqué au tournage de La Féline). Mais c’est bien ce choix qui fait de La Féline un monument du genre, malgré ses quelques faiblesses. Devant la caméra de Tourneur, un simple trottoir filmé de nuit devient le lieu le plus angoissant du monde ; un bureau familier se transforme en théâtre dont le moindre recoin devient menaçant…
Pour leur troisième film en commun, L’Homme Léopard (la référence féline est évidente) Tourneur et Lewton s’inscritont ouvertement dans la droite lignée de La Féline. Mais en ne gardant que l’approche presque théorique : en simplifiant l’intrigue à l’extrême, Tourneur proposera différentes manières de mettre en scène la peur. Le grand sujet de ce pan passionnant de sa carrière si riche.
•Un beau coffret collector deux DVD réunit les trois films RKO du duo Jacques Tourneur – Val Lawton (La Féline, Vaudou et L’Homme Léopard), avec un livret un peu léger et une poignée de documentaires et d’entretiens assez passionnants. Aux Editions Montparnasse.
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