Les Forbans de la nuit (Night and the City) – de Jules Dassin – 1950
Un petit escroc qui rêve de grandeur multiplie les combines pour arriver au sommet, et finit par s’enfermer dans une spirale dont l’issue ne fait guère de doute… Merveille de mise en scène, intelligence du scénario, atmosphère glaçante, décors inquiétants, acteurs au sommet… C’est un pur chef d’œuvre que signe Jules Dassin, l’un des sommets du film noir. L’un des plus sombres aussi, dont l’atmosphère est d’une violence assez rare.
Richard Widmark trouve l’un des rôles de sa vie, celui d’un minable trop obnubilé par ses fantasmes de grandeur pour réaliser que le bonheur est à portée de main, qu’il est aimé par une femme trop belle, trop douce, et trop tout pour lui : Gene Tierney, en retrait, mais dont la triste beauté irradie le film d’un mal-être abyssal. Widmark fait de son Harry Fabian un être aussi agaçant qu’attachant, un loser tantôt magnifique, tantôt pathétique, l’un de ces personnages dont on sait qu’il ne nous quittera jamais vraiment.
Il n’y a peut-être pas le moindre plan anodin dans Les Forbans de la nuit. Dassin, menacé par la Chasse aux sorcières aux Etats-Unis, a été envoyé à Londres pour tourner le film en décor réel. Un exil sans doute forcé, mais qui sert le film : Dassin nous offre une virée nocturne dans un Londres à peu près inconnu, celui des magouilles et de la violence. Celui des êtres seuls malgré la foule.
De bout en bout, le cinéaste compose ses plans en jouant sur les ombres, sur les cadres dans le cadre, qui semblent souligner cette solitude à laquelle les personnages sont condamnés : merveilleux plan montrant Gene Tierney et l’imposant Googie Withers, deux amoureux éconduits chacun à leur manière, dialoguer, tous deux enfermés dans leur propre univers.
La longue chasse à l’homme finale résonne également d’une manière particulière, comme si Dassin y avait mis sa propre rage d’homme acculé par le système américain de McCarthy. Alors que chaque individu qu’il rencontre devient une menace, c’est la ville elle-même qui semble hostile à Harry Fabian / Richard Widmark.
Le film est aussi un modèle de construction, articulé autour d’un improbable et interminable combat de lutte qui marque à la fois le sommet attendu et le début de la chute pour Fabian. C’est aussi dans cette séquence que l’on trouve l’un des moments les plus inattendus et les plus beaux du film : les retrouvailles tardives et déchirantes d’un vieux lutteur mourant et de son fils, organisateur de combat et gangster, qui voue à son père un amour et une admiration sans bornes.
C’est aussi la très grande force du film : en une scène seulement parfois, Dassin donne au moindre de ses personnages une existence authentique, et une profondeur rare. Les Forbans de la nuit est une merveille à tous points de vue, un film d’une grande intelligence et un immense bonheur de cinéma…
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salut je t ai laissé un commentaire sur dirty harry 4
je ne sais pas s il a été lu ou publié (fausse manoeuvre de ma part)